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Une inégalité sous couvert d’égalité

Pierre Cormon Journaliste Publié vendredi 03 février 2023

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Il faut féminiser les professions traditionnellement masculines pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre, affirme un récent rapport. Il reprend une injonction que l’on entend régulièrement.

Pleine de bonnes intentions, elle est cependant beaucoup moins égalitaire qu’il n’y paraît.

Personne ne conteste que, si une jeune femme se sent des prédispositions à devenir technicienne ES bois, électronicienne ou pilote d’avion, elle doit être encouragée à le faire. Des barrières culturelles ou mentales peuvent la retenir, comme le manque de modèles ou le sentiment de ne pas être légitime. Elles doivent être démontées. Dans certaines professions, on est dans la bonne voie. Les filles sont par exemple surreprésentées dans les championnats de carrosserie-peinture, où elles surpassent régulièrement les jeunes hommes.

Il faut cependant aller dans les deux sens. Les professions traditionnellement féminines, comme les soins infirmiers, d’hygiène dentaire ou l’éducation de la petite enfance manquent également de personnel. Quand avez-vous entendu pour la dernière fois un responsable affirmer qu’il faut les masculiniser?

Jamais, peut-être. Or, des jeunes hommes ont certainement des prédispositions à les exercer. Certains franchissent le pas, et on ne peut que les féliciter. D’autres peuvent être retenus de le faire par les mêmes barrières qui empêchent les filles de se rêver pompière, plombière ou programmeuse. Ils risquent de choisir d’autres voies, qui leur correspondent moins, dans lesquelles ils ne s’épanouiront pas autant et seront moins efficaces. Et ils ne compenseront pas l’absence des femmes qui auront choisi des professions traditionnellement masculines dans les jardins d’enfants ou les cabinets d’hygiène dentaire. On aura déshabillé Paul pour habiller Jean.

L’injonction à augmenter le nombre de femmes dans les professions typiquement masculines part d’excellentes intentions: un souci d’égalité et celui de combler la pénurie de main-d’œuvre. Elle aboutit pourtant à une perpétuation des inégalités. Elle place les hommes et leurs métiers de prédilection en modèle.

C’est aux femmes de les imiter, pas le contraire. L’impératif n’est donc pas d’inciter les femmes à choisir des professions traditionnellement masculines, mais d’inciter chacun à choisir la voie qui lui correspond, quel que soit son genre et l’image de cette profession. Vivent les mécaniciennes et les batteuses de jazz, mais également les patrouilleurs scolaires et les assistants de direction!

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