Marie-Hélène Miauton Publié vendredi 09 septembre 2022
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En l’espace de seulement cinq ans, toute une série d’événements est venue bouleverser nos certitudes.
En vrac, il a fallu compter avec le Brexit, avec la politique laxiste des banques centrales et les taux négatifs pour corollaire, avec la crise sanitaire du Covid-19 et avec la guerre en Ukraine, pour ne citer que les plus importants . Il en est résulté une accélération de problèmes préexistants, mais cependant négligés, et nous avons découvert les dangers d’une dépendance toujours plus grande dans des domaines toujours plus nombreux, obligeant à porter un regard neuf sur les tactiques à adopter, voire sur les priorités à poser.
Le Brexit est venu rappeler que l’Union européenne (UE) pouvait être tenue en échec et qu’une consultation populaire pouvait engendrer un changement stratégique fondamental. En effet, le désarrimage de la Grande-Bretagne lui a permis de s’ancrer plus fermement encore sur les politiques étasuniennes et plus généralement sur les intérêts anglo-saxons. Ainsi, l’UE n’a pas simplement perdu l’un de ses membres les plus importants, elle a indirectement renforcé la première puissance mondiale, dont elle est malheureusement devenue la vassale en bien des domaines, économique, géopolitique, militaire. Cela a également eu pour conséquence de confirmer le rôle de Berlin, allié de Washington à l’intérieur de l’UE, et de réduire celui de la France. Cette situation s’amplifiera encore avec le réarmement massif de l’Allemagne, alors que Paris, jusqu’ici, tenait le haut du pavé en cette matière. Ce poids toujours plus grand de la Mittel-osteuropa minorisera les pays latins au sein du sous-continent européen, ce qui n’est ni culturellement anodin ni politiquement souhaitable.
Contexte morose
Sur le plan économique, la politique des banques centrales occidentales, la Federal Reserve comme la Banque centrale européenne, a permis une dérive dépensière des États, qui se sont laissés entraîner dans un laxisme financier portant la dette mondiale à près de deux cent cinquante milliards de dollars. Puis, sur la lancée, ils ont adopté une approche du « quoiqu’il en coûte » au point de convaincre la population que l’État-nounou pouvait amortir toutes les difficultés sans contrecoup néfaste. C’est évidemment faux et le grand retour de l’inflation, la bête noire des spécialistes et la hantise des consommateurs, vient prouver qu’il est dangereux de transgresser trop longtemps les règles fondamentales de l’économie.
Intervenant dans un contexte déjà morose, la crise du Covid-19, outre son effet sanitaire mortifère, a entraîné un cortège de conséquences toutes plus délicates les unes que les autres. Les États ont dû imposer des privations de liberté, impensables jusqu’alors et diversement appréciées par les populations. Sur le plan économique, elle a exigé des confinements posant des problèmes souvent insurmontables aux entreprises. En raison de l’arrêt de la production à l’échelle mondiale, la pénurie de composants a retardé la relance et révélé l’imbroglio complexe et pernicieux des interdépendances. Les salariés ont désormais pris goût au télétravail, ce qui révolutionnera à terme la conception même de l’entreprise, de sa culture et de la relation employé-employeur. Sans oublier, au moment où la reprise était là, ce manque de main-d’œuvre soudain dans de nombreux domaines, dont il faut remarquer que ce sont ceux qui ne permettent justement pas le télétravail: santé, hôtellerie- restauration ou industrie.
Comme si tout cela ne suffisait pas, la guerre en Ukraine est venue apporter son lot de nouveaux problèmes, dont les questions cruciales de l’approvisionnement alimentaire et énergétique, mettant à nu l’état de dépendance des nations développées. Ouvrant ou fermant les robinets de gaz et de pétrole, Moscou oblige les pays européens à revoir de fond en comble leurs fournisseurs et leur propre production électrique, accélérant non pas une transition favorable au climat, mais un retour à des sources d’énergie polluantes. Les décisions hâtives qui avaient été prises en temps de calme s’avèrent désastreuses dans le contexte actuel.
Enfin, la Russie, opposée comme la Chine et de nombreux d’autres acteurs internationaux à l’hégémonie américaine, tente de mettre en place les conditions d’un monde multipolaire. En attendant l’issue de la guerre, et en espérant qu’elle ne s’étendra pas, les cartes géopolitiques qui semblaient acquises depuis cinquante ans sont rebattues. Dans ce contexte hasardeux, la Suisse doit se montrer capable de réagir sainement, de maintenir ce qui doit l’être, de veiller sur ses atouts et de ménager ses intérêts, tout en faisant preuve de cette résilience qui la caractérise. Une vigilance de tous les instants s’impose pour garder le cap.
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