Pierre Cormon Journaliste Publié vendredi 24 juin 2022
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Depuis que la Suisse a enterré l’accord-cadre avec l’Union européenne (UE), en mai 2021, stabiliser la relation entre les deux partenaires semble hors de portée.
Les universités et l’industrie medtech en paient déjà le prix. Demain, ce seront d’autres secteurs et, in fine, nous tous. «Préserver notre souveraineté vaut bien quelques sacrifices», répondront les tenants de la ligne dure face à l’UE. La guerre en Ukraine a montré à quel point cet argument est déconnecté de la réalité. Notre souveraineté, dans ce contexte, consiste à reprendre telles quelles les décisions prises par d’autres.
La Suisse n’a d’ailleurs
guère le choix. Qu’il s’agisse de l’attitude à adopter face à la Russie, de l’approvisionnement en électricité ou de la politique migratoire, de nombreux grands défis de notre époque ne peuvent être relevés qu’au niveau supranational. Même dans des domaines moins stratégiques, comme les normes techniques, nous ne pouvons que suivre des décisions prises le plus souvent à Bruxelles.
Si un litige surgit,
la Suisse est totalement dépourvue. Faute de règles pour le trancher, c’est le plus fort qui dicte sa loi. Et le plus fort n’est pas la Suisse. C’est ce qu’on a vu lorsque l’UE l’a reléguée au statut d’Etat tiers dans ses programmes de recherche. Ou qu’elle a cessé de reconnaître les certifications émises par des organismes helvétiques pour les nouveaux dispositifs médicaux. La Suisse n’a rien pu faire pour se défendre.
Cela n’aurait pas été le cas
si l’accord cadre avait été adopté. Il prévoyait en effet un mécanisme de règlement des litiges prohibant les mesures de rétorsion arbitraires ou disproportionnées. Ce mécanisme a été critiqué en Suisse, au motif que dans certains cas, l’instance d’arbitrage pouvait solliciter l’avis de la Cour de justice de l’UE. Un dispositif comparable existe dans l’Espace économique européen. En vingt-sept ans, on n’a jamais eu besoin de l’utiliser. La soi-disant menace à notre autodétermination n’avait pratiquement aucune portée.
En voulant préserver
une souveraineté de façade, la Suisse s’est donc mise dans une position où elle est constamment obligée d’appliquer des règles élaborées sans elle, et où l’UE peut la sanctionner à tout moment, sans qu’elle puisse se défendre. Elle s’est livrée pieds et poings liés à son principal partenaire. II est donc plus que temps de réévaluer le sens que nous donnons au mot souveraineté.
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