Une treizième rente? Ce n’est pas le bon outil

Mieux vivre à la retraite: une initiative coûteuse et mal ciblée.
Mieux vivre à la retraite: une initiative coûteuse et mal ciblée.
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 15 février 2024
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#Votations Une initiative propose d’octroyer une augmentation généralisée de la rente AVS au détriment des finances du premier pilier.

Le 3 mars 2024, le peuple se prononcera sur l’initiative Mieux vivre à la retraite, qui prévoit l’octroi d’une treizième rente AVS à tous les rentiers à l’assurance vieillesse sans exception. Au premier abord, le projet déposé par l’Union syndicale suisse en mai 2021 peut sembler séduisant, présenté comme un moyen de lutter contre la hausse des prix. Les plus démunis retrouveraient ainsi un peu de pouvoir d’achat leur permettant de mieux faire face à leurs charges. Toutefois, cette idée généreuse entraînerait des coûts supplémentaires pour l’AVS. Alors que les Suisses ont accepté en 2022 de relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans par souci d’égalité avec les hommes, mais aussi pour améliorer les finances de l’AVS, une telle mesure saperait cet effort récent. De plus, l’évolution démographique alourdirait les conséquences d’une telle décision.

Le contexte

Actuellement, plus de 2,5 millions de personnes bénéficient d’une rente AVS, le premier pilier du système de prévoyance helvétique. Celui-ci a pour but de garantir le minimum vital et doit être complété par un deux-ième pilier, voire un troisième pilier pour ceux qui souhaitent conserver un niveau de vie comparable à celui précédant le seuil de la retraite. A l’autre bout de l’échelle, ceux qui ne disposent pas de revenus suffisants pour assurer le minimum vital peuvent bénéficier de prestations complémentaires. Pour les obtenir, ils doivent en faire la demande.

L’objectif de l’initiative

Les initiants estiment que le premier pilier ne remplit plus son rôle constitutionnel d’assurer le minimum vital aux rentiers. Ils considèrent que le renchérissement du coût de la vie, avec des hausses des primes d’assurance maladie, des loyers, des prix de l’énergie et du panier moyen justifie une treizième rente. L’initiative demande que la rente mensuelle soit versée treize fois par an au lieu de douze fois, par analogie avec le treizième mois de salaire perçu par de nombreux employés. Cela correspond à une augmentation des rentes AVS annuelles de 8,3%.

En chiffres

Aujourd’hui, le seuil inférieur d’une rente AVS se situe à 1225 francs pour une personne seule et le maximum à 2450 francs par mois. Pour un couple marié, le plafond se situe à 3675 francs, soit 44 100 francs annuels. Le montant de la rente dépend de la durée de cotisation et du revenu annuel moyen. Si le peuple accepte l’initiative, le coût de cette mesure évalué par la Confédération se monterait à cinq milliards de francs par année dès 2030.

Mécanismes de financement

Le financement des rentes AVS se monte à près de cinquante milliards de francs par année. Or, au vu de l’évolution démographique, qui va pousser davantage d’actifs à la retraite, le Conseil fédéral estime que le financement de l’AVS n’est garanti que jusqu’en 2030. La situation est fragile, les projections confirmant que le coût s’élèvera à près de soixante-trois milliards de francs dans dix ans (en l’état actuel des choses).

Les cotisations des employeurs et des assurés constituent la majeure partie du financement de l’AVS, à hauteur de 73%. La Confédération y contribue à 20% et la TVA, ainsi que l’impôt sur les maisons de jeu, viennent compléter ces recettes.

Treizième rente: plongée dans l’inconnu

Concernant l’octroi d’une treizième rente AVS, l’initiative ne précise pas les modalités de son financement. Il appartiendrait au parlement de les définir en cas d’acceptation. Les pistes envisagées sont une hausse des cotisations pour les employeurs, les employés et les indépendants, une hausse de la TVA et une réallocation des budgets de la Confédération, voire une hausse des impôts. Dans tous les cas, ce renchérissement pèserait sur les actifs, déjà lourdement ponctionnés, alors qu’ils sont les moteurs de l’économie. La treizième rente reposerait ainsi en grande partie sur les épaules des nouvelles générations.

Pourquoi refuser

Généreuse, cette initiative présente des atouts séduisants. Sous couvert de simplicité, une telle mesure ne vient qu’imparfaitement en aide aux rentiers dans la précarité et octroie une rente supplémentaire à tout le monde, même à celles et ceux qui n’en ont pas besoin. Aujourd’hui, 12% des retraités reçoivent des prestations complémentaires pour combler de manière ciblée des revenus insuffisants. C’est une méthode plus efficace qu’une treizième rente. Celle-ci coûterait bien trop cher et pèserait trop lourd sur un système de prévoyance fragilisé par l’évolution démographique.

Sous une apparente générosité, ce projet pèserait en particulier sur les actifs. L’Office fédéral des assurances sociales constate qu’il nécessiterait un relèvement de 0,7 point des cotisations salariales et d’un point de TVA, ce qui a une incidence délétère sur le pouvoir d’achat. Pour ces diverses raisons, la FER Genève invite à rejeter cette initiative.

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