#Concept
Ancien, mais plus que jamais d'actualité, la notion de décroissance interroge nos modèles économiques et sociaux. Il convient de définir ce qu’elle est ou n’est pas.
«La décroissance, c’est la fin de notre modèle social, c’est la pauvreté de masse. Jamais je ne l’accepterai», fustigeait l’ancien premier ministre français Gabriel Attal à l’Assemblée nationale en dénonçant l’écologie «punitive», rapportait le journal Le Monde en septembre 2021.
Le concept de décroissance mérite une prise de recul avant de le questionner afin de s’extraire des passions qu’il suscite. Plutôt promu à gauche du spectre politique, il n’est pas nouveau, puisqu’il fait son apparition en 1972 avec la publication de l’alarmant rapport Meadows, faisant état d’un problème de pollution et de surpopulation. Il prédit l’effondrement inéluctable d’une civilisation dont la population, l’activité économique et les impacts sur l’environnement seraient en perpétuelle croissance. Ses auteurs préconisent que les pays riches mettent un frein à la croissance que les pays en développement poursuivent pour couvrir leurs besoins essentiels jusqu’à que tous atteignent un niveau d’équilibre.
Croître pour croître?
«La société de croissance peut être définie comme une société dominée par une économie de croissance et qui tend à s’y laisser absorber. La croissance pour la croissance devient alors l’objectif primordial, sinon le seul de l’économie et de la vie. Il ne s’agit pas de croître pour satisfaire les besoins reconnus, ce qui serait une bonne chose, mais de croître pour croître», écrit Serge Latouche, principal théoricien français de la décroissance, dans son livre La Décroissance.
Décroissance choisie ou subie
Il explique qu’«on pourrait, comme le font certains, opposer la décroissance choisie à la décroissance subie. La première est comparable à une cure d’amaigrissement entreprise volontairement pour améliorer son bien-être, lorsque l’hyperconsommation en vient à nous menacer d’obésité. La seconde est la diète forcée pouvant mener à la mort par famine».
Un peu d’histoire de la pensée économique
Pour les économistes rattachés au courant marginaliste, la croissance n’est pas perçue comme un problème: les individus cherchent à maximiser leur utilité temporelle de consommation. Le bien-être est ainsi concomitant avec la production et donc avec la croissance. La croissance (quantitative) mène au développement (qualitatif), qui à son tour est source de bien-être.
Au XIXème siècle, pour le philosophe et économiste Adam Smith, il n’est pas question de décroissance. Dans son ouvrage La richesse des nations, l’auteur parle de «limitation de la croissance». Cette limitation, c’est l’étendue des marchés.
L’économiste et philosophe David Ricardo est préoccupé par les rendements décroissants dans l’agriculture au XIXème siècle. En raison d’une hausse de la population, des terres doivent être mises en culture. Or, ces terres sont de moins en moins productives. «Le capitalisme est condamné à l’état stationnaire», écrit-il.
Thomas Malthus déplore, comme David Ricardo, le fait qu’une croissance linéaire de la production alimentaire ne puisse suivre la cadence de la croissance exponentielle de la population. La croissance démographique provoque un déséquilibre entre puissance démographique et puissance productive, qu’il pointe comme la cause d’une stagnation de l’économie sur le long terme. Toutefois, l’auteur prône une solution plus optimiste que Ricardo: selon lui, la population serait la variable d’ajustement qui ferait que nous pourrions ne pas passer à l’état stationnaire.
John Stuart Mill croit à l’état stationnaire, mais pense que ses effets peuvent être positifs. Il espère que lorsque cet état sera atteint, le niveau de satisfaction sera tel que nous pourrons nous contenter de ne plus croître. Libéral utopiste, il est néanmoins très critique du capitalisme, de sa poursuite d’une croissance illimitée et de sa logique de concurrence interindividuelle.
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