#Etudes
Un passage en revue de plus de cinq cents études sur le sujet montre qu’elles relèvent généralement plus de l’opinion que de la science.
Sur quels fondements scientifiques les avocats de la décroissance s’appuient-ils? Telle est la question que se sont posée deux chercheurs. Ils ont mené une étude sur toutes les publications scientifiques (peer-reviewed) qu’ils ont trouvées à ce sujet, soit cinq cent soixante-et-une1. Ils ont examiné leur contenu et, notamment, les méthodes utilisées et les données employées.
Verdict: environ 90% d’entre elles présentent de telles insuffisances méthodologiques qu’elles relèvent plus de l’opinion que de la science. Les problèmes sont nombreux. Les études consistent souvent à décrire une expérience ou un phénomène que l’on peut plus ou moins relier à la décroissance: trois coopératives agricoles en Italie, l’économie de deux îles isolées en Grèce, quatre organisations labellisées B-Corp, etc. Le choix des sujets est rarement motivé, alors que ces échantillons n’ont rien de représentatif.
Justice sociale
L’accent est souvent davantage mis sur une certaine conception de la justice sociale que sur l’environnement – on mesure moins les émissions de CO2 qu’on ne parle de revenu inconditionnel, de garantie de l’emploi, de coopératives.
Dans quelle mesure les expériences décrites sont-elles généralisables? Les études ne l’examinent que peu, ou pas. Elles ne se demandent pas si l’expérience d’une petite île grecque peut être répliquée à Shangai ou à Berlin, si des coopératives agricoles pourraient nourrir neuf milliards de personnes. Une étude décrit le mode de vie de squatters du Grand Barcelone et conclut qu’on peut vivre avec peu d’énergie. Elle ne prend pas en compte le fait que, pour qu’il y ait des maisons à squatter, il faut qu’elles aient été construites, ce qui requiert un système économique qui le permette ainsi que beaucoup d’énergie.
La notion de faisabilité est d’ailleurs presque totalement absente de ces études. Seules quatre d’entre elles (0,7% du total) se préoccupent de l’acceptabilité politique des mesures qu’elles décrivent et aucune de l’acceptabilité sociale.
Catalogue
Les études à visée plus générale ressemblent souvent à un catalogue de bonnes intentions dépourvu de mode d’emploi. Elles ont souvent recours à des expressions vagues: «changer les habitudes de consommation», «réduire l’utilisation d’énergie». Elles fournissent peu d’explications sur la manière dont on peut concrètement le faire à grande échelle et peu ou pas de réflexions sur les impacts sociaux, économiques et politiques que cela aurait. On prône par exemple la généralisation de l’agriculture biologique, alors que cela entraînerait une croissance des surfaces cultivées, puisque ses rendements sont moindres. Bref, la décroissance relève plus de la discussion d’apéro que du projet de société. Au fait, patron, tu nous en remets une? Avec des cacahuètes!
1 Ivan Savin, Jeroen van den Bergh, «Reviewing studies of degrowth: Are claims matched by data, methods and policy analysis?», in Ecological Economics 226 (2024)
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