Flavia Giovannelli
Publié vendredi 17 octobre 2025
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Un oui du bout des lèvres à la récente votation sur l’identité électronique, une méfiance persistante face à l’intelligence artificielle, qu’ils soient fondés ou non, ces doutes traduisent un sentiment partagé par de nombreux Suisses: celui d’être dépassés par la vitesse du monde numérique. Le 28 septembre, 49,6% de la population a refusé l’e-ID, sans toutefois empêcher le projet de passer, mais en révélant un état d’esprit méfiant à son égard. Le système démocratique suisse, s’il a l’avantage de sonder la population à chaque étape essentielle, tend aussi à ralentir l’adoption de certaines dispositions. Alors que l’Union européenne a déjà adopté un arsenal juridique complet pour l’intelligence artificielle, le tout premier de ce type au monde, le Conseil fédéral n’envisage un projet similaire que d’ici à un an et demi. La Suisse serait-elle un village d’Astérix numérique au cœur du continent? Pas forcément. Ces résistances illustrent surtout un malaise réel, qui prend deux directions opposées: d’un côté, la crainte de voir l’essentiel nous échapper – le fameux syndrome du FOMO (Fear of Missing Out) – et de l’autre, le rejet total du tout- numérique. Il ne s’agit pas seulement de technophobes, mais aussi de ceux qui osent une critique lucide d’une société captant notre attention vingt-quatre heures sur vingt-quatre, générant stress, fatigue et perte de productivité. Le succès des cures de «détox numérique» en témoigne. Cette tension traverse toutes les générations. Les jeunes, dits digital natives, ne vivent pas forcément mieux leur rapport aux écrans, souvent synonymes de dépendance ou d’anxiété. Les aînés, eux, redoutent l’exclusion dans un monde où chaque démarche se dématérialise. La fracture numérique ne tient donc pas qu’à la technique, mais aussi à la confiance et au sentiment d’appartenance. Ces crispations, loin de freiner le débat, devraient servir d’aiguillon. La question n’est pas de savoir si la Suisse est en retard: elle ne l’est pas. Ses entreprises, ses hautes écoles et une partie de son administration disposent d’atouts solides. Reste à transformer ces forces en adhésion collective: privilégier le principe du digital first, accélérer la simplification administrative et renforcer la cybersécurité. Les PME peuvent incarner le visage d’une numérisation réussie, preuve qu’innovation et pragmatisme ne s’excluent pas. La Suisse n’est pas condamnée à suivre. Elle peut tracer sa propre voie numérique – démocratique, inclusive et sûre. Et si ce modèle helvétique devenait, paradoxalement, l’innovation la plus inspirante de toutes?
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