Oui, il y a trop de fonctionnaires à Genève, et ça porte préjudice au secteur privé

Le secteur de la petite enfance est parmi ceux où l'on constate la prédominance d'emplois publics ou subventionnés.
Le secteur de la petite enfance est parmi ceux où l'on constate la prédominance d'emplois publics ou subventionnés.
Daniella Gorbunova
Publié vendredi 05 septembre 2025
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#Etude Une étude menée par l’institut BAK Economics, mandaté par la FER Genève, montre que le secteur public exerce une pression concurrentielle sur les entreprises privées, alertent les chercheurs.

Le canton de Genève connaît ce qu’on peut qualifier de véritable étatisation du marché du travail, portée surtout par les secteurs de l’administration, de la santé et de la petite enfance, révèle une étude de l’institut BAK Economics, réalisée sur mandat de la FER Genève.
L’objectif de cette étude est plus précisément d’identifier les différences structurelles et dynamiques entre Genève et d’autres cantons comparables afin de mesurer l’impact de la croissance du secteur public. Pour cela, l’institut de recherche a croisé les statistiques d’emploi, les données financières et les offres d’emploi du canton du bout du Léman. Puis les a comparées avec celles de Zurich, de Bâle-Ville, de Berne, du canton de Vaud, de Neuchâtel et la moyenne suisse. Un actif sur cinq est fonctionnaire S’il fallait résumer le constat en un point: entre 2012 et 2022, l’emploi public a crû deux fois plus vite que celui du privé, faisant de l’État un employeur dominant dans plusieurs branches clé. Durant ce laps de temps, l’emploi public à Genève a progressé de 2,1% par an, contre 1,5% dans le privé. Résultat: près d’un emploi sur cinq relève désormais de l’État ou d’institutions para-publiques, un niveau que seul Bâle-Ville dépasse. Si on rapporte cela à la population, Genève compte cent douze emplois publics pour mille habitants, contre soixante-huit en moyenne nationale.
Cette dynamique est concentrée dans trois branches: l’administration publique, l’enseignement et, surtout, la santé et l’action sociale. Dans ce dernier domaine, près de la moitié des postes sont publics, une proportion nettement supérieure aux «cantons comparables».

Concurrence préjudiciable

Comment expliquer un tel essor des jobs de fonctionnaires, dans un canton qui est plutôt aisé? L’étude observe que le secteur public recrute plus vite que le secteur privé, offre davantage de postes à haute qualification et applique des conditions de travail souvent plus avantageuses.
À cela s’ajoutent des mécanismes comme l’internalisation de services (nettoyage, restauration, sécurité), désormais obligatoires dans certains domaines, ce qui y augmente la part de fonctionnaires (par exemple pour des services pour le nettoyage en EMS). Autant d’éléments qui, selon les auteurs de l’étude, «peuvent générer une distorsion de concurrence préjudiciable à l’économie privée».
Le secteur de la petite enfance illustre également cette tendance: l’emploi y croît de 5,7% par an, principalement dans des structures publiques ou subventionnées. Les crèches privées pèsent à peine 7% de l’emploi genevois du secteur, contre environ 27% dans les cantons voisins.

Les risques d’une étatisation croissante

Dans les soins à domicile, trois quarts des postes sont assurés par des organisations publiques ou subventionnées, une proportion supérieure à la moyenne suisse. Les EMS, eux, comptent quasiment exclusivement sur des structures publiques ou associatives, les établissements privés non subventionnés étant marginaux (0,3% de l’emploi). Le coût par résident y est de 60% plus élevé que la moyenne nationale.
En agrégeant ces données, BAK Economics constate que Genève se distingue par une «croissance structurelle du secteur public» plus marquée qu’ailleurs. Cette évolution pose la question de l’équilibre entre missions de l’État et rôle du privé. Pour la FER Genève, le risque est clair: cette «étatisation» croissante pourrait limiter la compétitivité des entreprises locales et fragilise le cercle vertueux où la richesse créée par le privé finance l’action publique.

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