#AgroImpact
Une initiative permet de conseiller et de rétribuer les agriculteurs décarbonant leur activité.
Flatulences bovines, labour, fabrication d’engrais synthétiques, décomposition des engrais, machines, chauffage des serres: l’agriculture est à l’origine de nombreuses émissions de gaz à effet de serre.
Un projet public-privé vise à réduire sa contribution au dérèglement climatique: AgroImpact. Lancé en mode pilote en 2023, il a officiellement été présenté le 30 septembre à Daillens.
AgroImpact accompagne les agriculteurs désireux de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Elle les met ensuite en relation avec des acheteurs en gros voulant améliorer leur bilan carbone. Un mécanisme dont ses concepteurs ne connaissent pas d’autre exemple dans le monde. «Il suscite beaucoup d’intérêt hors de Suisse», affirme Thomas Vellacot, directeur général du WWF Suisse.
Bilan carbone
Tout agriculteur peut s’adresser à AgroImpact. Il doit commencer par établir un bilan carbone de l’exploitation. «C’est quelque chose que j’avais envie de faire depuis longtemps, pour voir où je me situe», commente Dominique Mori, agriculteur et éleveur à St-Aubin-Sauges (NE).
Un conseiller d’AgroImpact examine ensuite avec l’exploitant quelles mesures il pourrait mettre en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sur six ans. «L’agriculteur ou l’agricultrice choisit librement ses leviers d’action», souligne Aude Jarobo, directrice de l’association AgroImpact, qui pilote le projet. Ils peuvent aussi bien porter sur la réduction directe des émissions que sur le captage de CO2 dans le sol, avec des techniques agricoles appropriées. «Je vais encore réduire le travail du sol et recourir à davantage d’intrants organiques», témoigne par exemple Sylvain Faillétaz, agriculteur à Commugny (VD).
Ces prestations sont payantes, mais les cantons de Genève, de Vaud, de Neuchâtel et du Jura se sont engagés à soutenir les agriculteurs qui participent à la démarche. Neuchâtel prend ainsi en charge 50% du prix du bilan carbone, Vaud 80%. Les mesures sont aussi choisies de manière à générer un retour sur investissement. Le bilan des mesures est effectué chaque année, avec des méthodes internationalement reconnues et l’appui de hautes écoles associées au projet. Après une année, les participants ont obtenu des réductions de quelques pourcents à quelques dizaines de pourcent de leur empreinte carbone. Tout dépend de la situation de départ et du type d’exploitation.
Toute peine mérite salaire
Un mécanisme a été mis sur pied pour rétribuer les participants. Ils reçoivent des certificats attestant de leurs résultats. Des acheteurs de la filière agroalimentaire, comme Lidl, Zweifel, Fenaco (Landi) ou Nestlé peuvent leur verser des primes qui permettent de déduire les émissions évitées par l’agriculteur de leur propre bilan carbone. Nestlé Suisse achète déjà pratiquement la moitié de sa farine suisse à travers ce mécanisme.
Grande différence avec les crédits carbone: l’acheteur doit acquérir la marchandise dans la filière de production de l’agriculteur – par exemple, le moulin dans lequel son blé est moulu ou le silo dans lequel son grain est collecté. «Un constructeur de voiture ne peut pas compenser ses émissions de carbone sur notre plateforme», résume Aude Jarabo. L’idée est de créer à la fois un lien direct et de la transparence.
Acteurs de poids
Le montant des primes est fixé par une commission comprenant des représentants des agriculteurs, des acheteurs et des milieux scientifiques. Il varie de cas en cas, notamment en fonction du produit et de la situation de départ de la ferme – une exploitation déjà en avance dans la décarbonation aura moins de marge pour réduire ses émissions. «Les primes nous reviennent grosso modo au même prix que les certificats d’émissions du marché carbone», relève Daniel Imhof, responsable des affaires agricoles de Nestlé Suisse.
AgroImpact est parvenue à réunir des acteurs de poids, comme plusieurs cantons romands, des associations représentatives du secteur agricole, des hautes écoles, des organisations environnementales, des acteurs de la filière agroalimentaire, etc. La plateforme est active dans toute la Suisse romande, à l’exception du Valais. Elle a vocation à s’étendre. A terme, l’objectif est de couvrir une part substantielle de l’agriculture suisse.
Millions de tonnes par an
Après une année de fonctionnement, le mécanisme a permis de mettre en place des actions devant générer un gain de quelque seize mille tonnes de CO2 sur six ans – soit l’empreinte carbone annuelle de quelque mille deux cents résidents suisses. Le projet voit cependant beaucoup plus grand. Alors que cent vingt-huit exploitations se sont déjà lancées dans la démarche, il vise à couvrir environ la moitié des fermes suisses en 2050. L’impact pourrait alors se chiffrer en millions de tonnes par année – une quantité équivalant à l’impact carbone de plusieurs centaines de milliers de résidents suisses. Un objectif qui se situe dans le même ordre de grandeur que celui du plus grand projet d’enfouissement de CO2 dans le monde, Northern Lights, en Norvège.
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