Bilatérales: la prospérité helvétique en dépend depuis 25 ans
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 20 juin 2024
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#Suisse-Europe Le 21 juin 1999, la Suisse et l’Union européenne signaient un premier paquet d’accords bilatéraux. Une relation tout sauf linéaire, mais qui reste le socle de notre économie.
Il y a vingt-cinq ans, Berne et Bruxelles signaient sept accords sectoriels portant sur la libre circulation des personnes, les échanges commerciaux, les marchés publics, l’agriculture, la recherche ainsi que les transports aériens et terrestres. Si le monde a changé depuis le 21 juin 1999, la relation entre l’Union européenne (UE) et la Suisse reste, évoluant constamment, entre accélérations et coups d’arrêt parfois inattendus. Depuis les prémices de l’idée européenne, née après la Seconde Guerre mondiale, la Suisse est toujours restée prudente vis-à-vis de ce grand voisin, devenant d’abord membre de l’Association européenne de libre-échange en 1960, puis signant en 1972 un accord de libre-échange avec la communauté économique européenne. Les deux décennies suivantes ont conduit la Suisse à envisager son adhésion à l’espace économique européen. On se rappelle que le vote populaire a conduit à un échec le 6 décembre 1992.
La conclusion des accords bilatéraux en 1999 aurait dû être une étape transitoire, quelle que soit la voie choisie par la suite. Or, au fil du temps, les bénéfices de cette option prise par le Conseil fédéral sont apparus assez significatifs pour contrebalancer les éventuelles regrets. Ce partenariat a ainsi grandement contribué à la prospérité helvétique, comme le prouvent de nombreuses études. Alexandre Fasel, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, le rappelait dans son intervention du 14 mai dernier à l’Université de Genève. Très attendu, le diplomate, qui a la lourde charge de négocier les Bilatérales III avec ses homologues à Bruxelles, espère aboutir à un accord vers la fin de l’année.
Le défi est de taille, même si l’option d’aller vers des accords sectoriels semble moins risquée après l’abandon unilatéral du Conseil fédéral, en mai 2021, d’un possible accord-cadre. «Pour que la négociation aboutisse, il faut arriver à un résultat équilibré pour les deux parties, sachant que de nouveaux éléments sont apparus dans les discussions depuis le 21 mars», a averti Alexandre Fasel. Des efforts de communication sur le plan suisse seront tout aussi indispensables afin que la population comprenne les détails du nouveau projet en vue d’un futur référendum. Le Département fédéral des affaires étrangères mise sur l’ouverture et la transparence, mettant en ligne tous les documents en cours de négociation.
Interdépendance géopolitique
L’UE est, de très loin, le premier partenaire économique de la Suisse, absorbant près de 60% des échanges. L’accès à cet immense marché, comptant aujourd’hui quatre cent quarante-huit millions d’habitants, est fondamental pour les entreprises suisses, de la PME à la multinationale, et cela dans tous les secteurs d’activité. De plus, la population oublie parfois qu’elle doit aux accords de Schengen le privilège de se déplacer librement et en sécurité dans cet espace. Ces dernières années, une pandémie mondiale, les difficultés d’approvisionnement, la crise énergétique et la guerre en Ukraine ont mis en lumière des réalités que les opposants aux bilatérales voulaient ignorer. Avec une situation géographique au cœur de l’Europe, la Suisse ne peut pas s’isoler du reste du continent: il n’est désormais plus possible de rendre des frontières étanches. Si telle était l’option choisie, nous ne ferions que subir les inconvénients des décisions de notre grand voisin sans avoir voix au chapitre.
«L’Europe joue un rôle vital pour notre économie»
Entretien avec Philippe Fleury, directeur général FER Genève.
Quelle est l’importance des négociations actuelles entre la Suisse et l’UE?
Il faut conclure des accords rapidement pour plusieurs raisons. La Suisse doit maintenir un accès sans entraves au marché européen, qui représente près de 60% de ses échanges. L’UE est un partenaire essentiel pour des secteurs comme l’industrie biotechnologique, pharmaceutique, chimique et les machines. Il est indispensable que les chercheurs basés en Suisse puissent participer aux plus grands programmes de recherche mondiaux tels qu’Horizon Europe ou à des programmes d’échange comme Erasmus. Notre jeunesse, en particulier, en a besoin.
Les PME sont-elles concernées?
Oui, car une large majorité de leurs clients se trouvent en Europe. Sans accord, les PME vont perdre des clients et marchés et pourraient rapidement rencontrer d’une part des problèmes de liquidités et d’autre part des difficultés à recruter, voire à conserver leur personnel. Cette situation pourrait même s’aggraver en raison de l’évolution démographique, avec la retraite des baby-boomers, notamment. La proximité du marché européen permet de limiter les coûts de transport, ce qui est avantageux tant du point de vue stratégique que de la durabilité.
Quel est votre sentiment au sujet des négociations actuelles?
J’observe que les deux partenaires travaillent sur une base commune solide et avec une approche concrète. Toutefois, je reste préoccupé, car nos membres sont directement concernés et ont besoin d’un accès non entravé au marché européen. L’Europe représente une proximité géographique, mais aussi des idées et des valeurs partagées avec les nôtres. Ces caractéristiques sont irremplaçables, quel que soit le nombre d’accords économiques que la Suisse pourrait signer avec d’autres Etats.
Le résultat des élections européennes du 9 juin aura-t-il un impact sur ces négociations?
Heureusement, la coalition d’Ursula von der Leyen en est sortie renforcée. On peut donc présumer que la présidente de la Commission européenne obtiendra un second mandat dès le début 2025. Du point de vue suisse, il est plus avantageux de pouvoir compter sur une équipe européenne avec laquelle nous travaillons déjà depuis plusieurs mois plutôt que de tout recommencer à zéro si la Commission européenne devait changer de composition.
Quels sont les principaux obstacles?
Je vois deux fronts d’opposition. Le premier est celui de l’UDC, en tout cas de l’appareil du parti, car, selon un sondage, une partie importante de ses membres serait favorable à des accords bilatéraux avec l’Europe. Le second obstacle vient des milieux syndicaux, qui présentent des revendications de plus en plus élevées, même en dehors du champ des négociations. Certains semblent ne pas hésiter à mettre en danger ces futurs accords, prenant des risques excessifs pour la base des employés qu’ils sont censés représenter.
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