Dossier électronique du patient: «Ça ne doit pas être un cloud où l’on met tout»

Dossier électronique du patient: un serpent de mer?
Dossier électronique du patient: un serpent de mer?
Steven Kakon
Publié jeudi 27 mars 2025
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#AMGE L’Association des médecins du canton de Genève voit le dossier électronique du patient comme un outil incontournable et déplore son échec actuel.

Les autorités peinent à faire avancer le dossier électronique du patient (DEP) qui a connu un revers début mars. La Poste a annoncé qu’elle ne fournirait plus de plateforme technique pour l’héberger dans les cantons de Genève, de Fribourg, du Jura, du Valais et de Vaud, groupés dans l’association CARA. Un nouveau problème qui s’ajoute à un autre, puisqu’à l’heure actuelle, le DEP ne séduit pas les foules: seulement 0,8% de la population en possédait un en août 2024. Ses mérites sont pourtant vantés: collecter pour chaque patient des données pertinentes pour sa santé afin d’offrir un meilleur suivi, d’éviter les doublons d’actes médicaux et de favoriser la collaboration entre les différents professionnels.

Problème de comptabilité

Qu’en pensent les médecins? Sollicité, le président de l’Association des médecins du canton de Genève (AMGE), Michel Matter, décrit le DEP comme «incontournable», regrettant qu’il soit un «échec en termes industriel, médical et pour la population». Le DEP connaît en effet un problème majeur: il n’est pas toujours compatible avec les systèmes informatiques des médecins. «Nous réclamons des passerelles vers les principaux systèmes informatiques», fait savoir l’ophtalmologue. De plus, il doit être «pertinent», c’est-à-dire qu’il «doit grouper les informations essentielles sur l’état de santé du patient et son parcours médical», poursuit-il, en illustrant ses propos avec le cas d’un patient qui fait une IRM: devront être glissées dans le dossier numérisé «seulement les deux ou trois images pertinentes et l’analyse du radiologue». L’objectif étant de «simplifier l’information», résume le spécialiste, avant de prévenir: «ça ne doit pas être un cloud où on met tout». Enfin, les enjeux informatiques sont majeurs: «les données doivent être hautement protégées».

Reste à savoir comment convaincre les nombreux patients encore réticents de ses bienfaits? «A partir du moment où il sera pertinent, simplifié et efficient, il se développera», répond Michel Matter. Quant à la crainte relative à la confidentialité des données, il observe que «le patient peut refuser l’accès à certaines parties de son dossier et que les échanges entre médecins doivent être cryptés, comme actuellement lorsque nous échangeons des données médicales par e-mail».

Révision de la loi

En septembre 2024, le Conseil fédéral a décidé de réviser la loi et de centraliser l’infrastructure technique du DEP, actuellement définie en organisation décentralisée de droit privé, une solution qui s’est révélée inadaptée. Les prochaines étapes? «C’est le dossier patient médicalisé pour permettre de gérer la médication au niveau électronique. A terme, l’idée serait de pouvoir inclure d’autres données qui concernent la santé mentale, l’activité physique et tout ce qui est pertinent pour déterminer l’état de santé d’une personne, à la condition que les standards d’interopérabilité aient été définis», relevait Murielle Bochud, cheffe du département épidémiologique et systèmes de santé d’Unisanté lors de la première conférence d’un cycle sur le numérique, la santé et l’environnement tenue au CHUV le 20 février dernier. Le DEP s’inscrit en effet plus largement dans le projet de numériser le secteur de la santé en Suisse, pays à la traîne dans ce domaine en comparaison à d’autres.

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