L’horaire du prochain train

L'Union européenne souhaite développer le fret ferroviaire.
L'Union européenne souhaite développer le fret ferroviaire.
Maurice Satineau
Publié le jeudi 07 mars 2024
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#Fret Dans le cadre de son Pacte vert, l’Union européenne souhaite développer le transport des marchandises par rail. Mais ses aiguillages ne conviennent pas à tout le monde dans le grand marché unique.

Les roues grincent déjà avec les deux premières économies de l’Union européenne. La Commission européenne a ouvert des enquêtes contre la filiale fret de la SNCF française et contre l’allemande DB Cargo. Toutes deux sont soupçonnées d’avoir reçu trop d’aides publiques de leurs gouvernements respectifs. Sur le réseau transeuropéen, durant les quinze dernières années, Paris a divisé par deux ses envois par rail, tandis que Berlin les a doublés et que Rome fait repartir progressivement ses locomotives en espérant que la liaison Lyon-Turin voie finalement le jour. «Avec des infrastructures modernes, je n’imagine pas d’échec possible. Chaque année, quelque quarante millions de tonnes de marchandises transitent entre l’Italie et la France, dont seulement trois à quatre millions de tonnes par le rail», observe Daniel Bursaux, président du Tunnel euro alpin. «Ce chiffre devrait pouvoir augmenter avec une infrastructure modernisée.» En Europe, près de 85% du trafic ferroviaire de marchandises est transfrontalier.

Technologie

Si les pays européens ne souhaitent pas tous renoncer au wagon isolé dont l’utilisation est coûteuse, il faut généraliser le système XRail. Cette association de sept compagnies assure un suivi informatisé, ressemblant aux outils traquant les conteneurs à travers la planète. Dans la profession des chargeurs, des espoirs sont placés du côté de l’intelligence artificielle pour la gestion des attelages. La Chine et les Etats-Unis maîtrisent la technologie de ces Digital Automatic Couplers (DAC). Simultanément, le passé pèse lourd, avec notamment des cartes géographiques nationales où les rails partent en étoile depuis la capitale et délaissent certaines régions depuis toujours.

Autre souci, il existe encore trop de décalage entre les droits de passages demandés et leur attribution réelle. Le nouveau règlement RTE-E mettra en place des sillons garantis aller-retour sur les grands axes est-ouest et nord-sud. Le développement de la troisième génération de l’European Rail Traffic Management (ERTM) System accélèrera les cadences, pour autant que les investissements nationaux soient réalisés. Des milliers de kilomètres de voies européennes n’en sont qu’au ERTM première version.

Jour et nuit

«Les trains de fret ne circulent pratiquement plus le jour, car le trafic de voyageurs absorbe toutes les capacités du réseau», admet Jean-Pierre Farandou, président directeur général de la SNCF. «Ils ne peuvent donc circuler que la nuit et sont pénalisés par les travaux. Techniquement, ils pourraient rouler à cent kilomètres à l’heure, mais dans les faits, leur vitesse est plutôt de trente kilomètres à l’heure.» La Suisse et l’Autriche sont saluées pour leur grande ponctualité, l’Allemagne est jugée acceptable et les gares espagnoles seraient calamiteuses.

Techniquement, les experts demandent la généralisation de la norme P400. Ce gabarit permet d’embarquer des gros conteneurs et des semi-remorques. Ils passent en Allemagne et en Pologne, mais beaucoup moins bien en France et en Italie. Des milliers de camions préfèrent faire la route: dans les trajets effectués au sein de l’UE sur au moins cinq cents kilomètres, la différence de coût par tonne transportée reste en faveur de la route. Cette marge varie en fonction du prix du carburant. Une bonne partie des lignes marchandises fonctionnent encore à la traction diesel dans leurs derniers kilomètres. Le suisse Stadler est particulièrement bien implanté sur ce créneau, via son unité de production à Valence (Espagne).

C’est mon train

L’UE a parfois l’impression que les trains partent sans elle. Ainsi, la ville de Hambourg possède sa propre société, Metrans Rail. Avec une centaine de rames quotidiennes, elle travaille intensément avec le port pour des prestations que Deutsche Bahn avait du mal à réaliser.

Si les aciéries et les cimentiers apprécient les longs convois qui arrivent à l’heure, la nouvelle économie voit dans le train un instrument spécifique pour sa logistique: «Il faut utiliser ce mode de transport là où il a du sens. Il permet notamment de réallouer les stocks et de réaliser des mouvements d’inventaires entre les différents entrepôts de notre réseau de manière très efficace», explique Yohan Benard, directeur des affaires publiques France et Europe chez Amazon.

Résultats

L’UE est-elle trop exigeante pour le marché du fret ferroviaire? Certains de ses spécialistes en mobilité notent que l’on ne change pas les avions et les pilotes alors qu’il faut changer de mécanicien et de locomotive à travers le continent. D’autre part, Bruxelles a autorisé près de quatorze milliards d’euros de subventions en dix ans pour favoriser le chargement des wagons, avec des résultats variés: un peu moins de fret fluvial en Allemagne au profit du rail et trop de grèves en France.

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