La réforme de la LPP favorisera les temps partiels

Deux cent septante mille femmes verront leurs rentes augmenter si la réforme est acceptée.
Deux cent septante mille femmes verront leurs rentes augmenter si la réforme est acceptée.
Pierre Cormon
Publié lundi 09 septembre 2024
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#Prévoyance professionnelle La réforme du deuxième pilier soumise au vote des Suisse le 22 septembre couvrira mieux les bas salaires et les personnes cumulant les temps partiels.

Si vous comptez bénéficier d’une bonne retraite, mieux vaut ne pas exercer plusieurs temps partiels. Les personnes dans cette situation sont en effet généralement beaucoup moins bien couvertes que celles n’occupant qu’un seul emploi. «C’est une injustice», estime Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse. Elle devrait disparaître si la réforme du deuxième pilier est acceptée le 22 septembre. La réforme, en plus de corriger ce déséquilibre, vise à consolider le système des retraites. Comme l’AVS, le deuxième pilier fait face à de nombreux défis, qui mettent son équilibre en péril. Alors qu’on s’accorde sur la nécessité d’une réforme depuis une quinzaine d’années, aucune tentative n’a abouti depuis plus de vingt ans. Il est donc nécessaire d’agir. «Plus le temps passe, plus les déséquilibres s’accentuent et plus il sera coûteux de les corriger», estime Marco Taddei.

Situation inchangée pour la majorité des assurés

La réforme sur laquelle nous allons voter ne concerne que la part obligatoire de la prévoyance professionnelle. Concrètement, les rentes d’environ deux tiers des assurés ne devraient pas changer – ceux dont le deuxième pilier se situe sensiblement au-dessus du minimum légal. Ils ne seraient par exemple que vingt-trois à être concernés sur les cinquante et un mille assurés à la caisse de la pension de la Migros, selon l’hebdomadaire NZZ am Sonntag.

Quatre défis

  1. On touche des rentes de plus en plus longtemps Depuis que le deuxième pilier a été rendu obligatoire en 1985, l’espérance de vie à la naissance d’une femme a progressé de plus de cinq ans, celle d’un homme de plus de huit ans. C’est une excellente nouvelle: on vit, dans l’ensemble, plus longtemps et en meilleure santé. Cela représente toutefois un défi pour le système social. Un peu moins de la moitié des personnes arrivant à l’âge de la retraite demandent à toucher leur deuxième pilier sous forme de rentes. Celles-ci représentent actuellement 6,8% du capital qu’on a accumulé dans le cadre de la part obligatoire. Plus on vit longtemps, plus de fois ces rentes doivent être versées, à partir d’un même capital. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, les caisses versent maintenant des rentes pendant plus longtemps que le capital accumulé ne le permet.
     
  2. Les rendements sont insuffisants Les rentes versées aux retraités sont financées grâce aux rendements de leurs avoirs de vieillesse, placés par les caisses. Ils varient d’année en année, mais quoique substantiels, ils sont globalement insuffisants pour financer les rentes de la prévoyance obligatoire.
    Comment parviennent-elles malgré tout à verser le minimum légal aux retraités? Essentiellement en diminuant les prestations qu’elles versent sur la partie surobligatoire. «Elle est fréquemment transformée en rentes à un taux inférieur, parfois même en-dessous de 4,5%», constate Fabrice Merle, responsable du conseil en assurances sociales au sein de la Fédération des Entreprises Romandes Genève. Si rien n’est fait, ce déséquilibre va s’accentuer avec l’arrivée des baby-bomers à la retraite. Il faut donc soit augmenter la taille du gâteau (l’avoir de vieillesse), soit diminuer la taille des tranches (les rentes de la partie obligatoire), soit adopter une combinaison des deux, comme le propose la réforme.
     
  3. De plus en plus de personnes sont mal ou pas couvertes Depuis que le deuxième pilier a été rendu obligatoire, le travail à temps partiel a beaucoup augmenté. «Il concerne avant tout les femmes, qui sont beaucoup plus nombreuses à être actives qu’à l’époque où le système a été mis sur pied», note Marco Taddei.
    Or, de nombreux travailleurs à temps partiel sont désavantagés dans le cadre du deuxième pilier. La raison? On déduit 25 725 de leur salaire avant de calculer les cotisations – c’est ce qu’on appelle la déduction de coordination. Elle vise à éviter de couvrir deux fois la part de salaire qui est déjà remplacée à la retraite par les rentes AVS.
    Or, elle a un effet pervers. Si on cumule deux ou plusieurs salaires, la déduction est appliquée à chacun d’entre eux. Une personne ayant deux emplois à cinquante mille francs est moins bien assurée qu’une personne n’ayant qu’un seul emploi à cent mille francs. Une personne cumulant trois emplois à vingt mille francs ne l’est pas du tout. Ce déséquilibre touche en premier lieu les femmes et les bas salaires. La plupart des caisses de pension proposent des solutions pour pallier ces désavantages.
     
  4. Le deuxième pilier pénalise les seniors sur le marché du travail Les cotisations obligatoires au deuxième pilier d’une personne de 55 ans sont deux fois et demie plus élevées que celles d’une personne de 25 ans, y compris pour la part employeur. C’est l’effet de la progression des cotisations obligatoires. On ne peut exclure que cela pénalise les seniors sur le marché du travail. Cette différence a des raisons historiques. Lorsque le deuxième pilier a été rendu obligatoire, en 1985, «on voulait éviter des prélèvements trop élevés pour les travailleurs en début de carrière, dans une phase où les salaires sont en principe moins élevés», remarque Fabrice Merle. De plus, les travailleurs âgés avaient moins de temps pour constituer leur avoir de vieillesse. Cette raison n’est plus de mise. Le deuxième pilier étant obligatoire depuis 1985, les seniors actuels ont eu le temps de constituer leur avoir de vieillesse.  

Quatre éléments de solution

 
  1. Le taux de conversion sera abaissé Lorsqu’un travailleur prend sa retraite sous forme de rente, on lui verse chaque année 6,8% de l’avoir qu’il a accumulé dans le cadre de la prévoyance obligatoire, jusqu’à son décès. Ce pourcentage sera baissé à 6%. Cela permettra de verser des rentes aux retraités pendant plus longtemps sans déséquilibrer les finances des caisses de pension. Bref, les parts de gâteau seront moins grandes. Tous les cinq ans, on réexaminera ce taux de conversion pour voir s’il colle toujours aux réalités démographiques et financières. Pour la plupart des assurés, cela ne changera pas leur retraite. D’une part parce qu’ils sont plus nombreux à choisir de toucher leur deuxième pilier sous forme de capital. Dans ce cas, le taux de conversion n’a aucune influence sur le montant qu’ils touchent. D’autre part parce que même parmi ceux qui choisissent les rentes, la plupart ne verra pas leur montant changer. L’avoir de deuxième pilier comprend une forte composante surobligatoire. Lorsqu’il est touché sous forme de rentes, c’est presque toujours à un taux de conversion inférieur (5%, 5,6%...) Dans les faits, les deux composantes confondues, la rémunération se situe déjà souvent aux alentours de 6%, voire en-dessous. Ce ne sont donc que les assurés dont le deuxième pilier est proche du minimum légal et qui choisissent de le toucher sous forme de rentes qui sont directement concernés. On a prévu des mesures de compensation à leur intention.
     
  2. Les cotisations seront adaptées Aujourd’hui, lorsqu’une personne a un salaire de 50 000 francs, on en déduit 25 725 francs pour déterminer le salaire assuré – c’est ce qu’on appelle la déduction de coordination. Elle ne cotise donc que sur 24 275 francs. Si elle cumule plusieurs emplois, cette déduction est appliquée sur chacun de ses salaires, ce qui pénalise les personnes en cumulant plusieurs. Dorénavant, cette déduction se montera à 20% du salaire assuré, quel que soit le nombre d’emplois que l’on cumule et le montant des salaires. «Une personne cumulant deux mi-temps ne sera plus pénalisée par rapport à une personne gagnant le même revenu dans un seul emploi», se réjouit Marco Taddei. De plus, le seuil d’entrée a été abaissé, d’un salaire de 22 050 francs à un salaire de 19 845 francs, ce qui devrait permettre à septante mille personnes supplémentaires d’être assurées. Il s’agit du principal motif de contestation des syndicats, qui affirment que les travailleurs cotiseront plus pour toucher moins. C’est faux dans la plupart des cas.
     
  3. Les seniors seront moins pénalisés Au lieu de quatre tranches d’âge avec quatre taux de cotisations obligatoires (parts employeur et employé confondues) différents, le projet n’en prévoit plus que deux. Les jeunes cotiseront plus et les seniors moins, ce qui atténuera la différence de coût que représentent les uns et les autres pour un employeur.
     
  4. Les bas salaires seront soutenus Toutes ces mesures risquent d’aboutir à des rentes moins élevées pour une partie de la génération transitoire – celle qui arrivera à l’âge de la retraite dans les quinze ans qui suivent l’entrée en vigueur de la réforme. C’est surtout le cas des personnes qui ont un deuxième pilier peu élevé (moins de 441 000 francs, part surobligatoire comprise) – soit environ la moitié d’entre elles. On leur versera donc un supplément. D’un montant maximum de deux cents francs par mois, il variera en fonction de l’avoir de vieillesse et sera baissé de cinq ans en cinq ans, jusqu’à sa disparition quinze ans après l’entrée en vigueur de la réforme.
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