La transmission d’entreprise en pleine mutation

L'entreprise Reitzel SA: exemple d'une transmission d'entreprise réussie.
L'entreprise Reitzel SA: exemple d'une transmission d'entreprise réussie.
Flavia Giovannelli
Publié mercredi 10 avril 2024
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#Succession Avec l’évolution démographique, remettre à autrui l’œuvre de toute une vie implique de suivre un processus rigoureux. Les aspects humains doivent aussi être considérés.

Selon le portail PME de la Confédération, une PME sur trois en Suisse disparaît faute de repreneur. Pour celui qui a investi toute son énergie, son cœur et parfois son argent dans son outil de travail, vouloir assurer la poursuite des activités sociétales au-delà de son activité professionnelle personnelle est légitime.

Selon l’Office de la statistique (OFS), le tissu économique suisse est composé à 99% de PME, c’est-à-dire d’entités comptant moins de deux cent cinquante emplois. Les derniers chiffres disponibles, remontant à 2021, indiquent que l’on compte 607 820 PME en Suisse, assurant 3 099 937 emplois1. On estime qu’un peu plus de la moitié est en mains familiales.

Assurer la continuité et le succès d’une entreprise revêt une importance capitale pour les emplois, le savoir-faire et l’impact économique. A cela s’ajoute l’évolution démographique, avec le départ prochain et massif d’un grand nombre d’actifs, ce qui va renforcer cette problématique. La thématique de la succession occupe déjà deux fois plus de place dans la vie des entrepreneurs qu’il y a dix ans.

Le processus de transmission sur le plan pratique est une phase à ne pas négliger dans la vie d’une entreprise. Même si chaque cas est unique et individuel, même si aucune formule ne garantit une recette absolue, il faut au moins respecter des démarches précises et anticiper l’échéance. Les experts du domaine ajoutent encore une observation: l’évolution des mœurs. Alors que dans le passé, les jeunes héritiers naturels considéraient comme un devoir de reprendre l’entreprise familiale, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ce modèle s’effrite. Les enfants ne ressentent plus nécessairement la pression de la reprise de l’entreprise familiale et s’autorisent à forger leur propre destin. Il arrive aussi que leurs parents leur souhaitent une carrière différente de la leur, ayant vécu des difficultés relatives à leur expérience.

Fin 2022, une étude menée par Credit Suisse et l’Université de Saint-Gall apporte un éclairage intéressant sur ces questions. Ainsi, un entrepreneur est souvent amené, au cours de sa vie professionnelle, à vivre une transmission plus d’une fois, que ce soit comme repreneur ou comme cédant. Dans de très nombreux cas, les spécialistes en accompagnement rapportent que le processus de transmission n’a pas été assez préparé. Le sujet est souvent tabou ou les événements de la vie précipitent une réalité redoutée. Les aspects émotionnels entrent en jeu et viennent compliquer la donne.

Il ne faut enfin pas oublier que d’autres parties que celles qui concluront un accord sont aussi concernées par le processus de transmission: les employés, les clients, les partenaires, les fournisseurs, notamment. Cette ramification accentue le besoin de planification et de communication. Il s’avère encore plus précieux lorsque le dirigeant possède une personnalité qui a largement participé à la réussite. En ce qui concerne les entreprises familiales, une autre étude remontant à 2019, menée par PwC, indique que 47% d’entre elles n’ont pas de plan de succession, alors que ce sont souvent les plus particulières en termes de management, impliquant de la loyauté, de la fidélité, mais aussi des risques.

1www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/industrie-services/entreprises-emplois/structure-economie-entreprises/pme.html


Ce qui est nécessaire lors d’une transmission d’entreprise

Les implications spécifiques d’une transmission d’entreprise varient énormément en fonction de sa forme juridique, de sa taille et de son secteur d’activité. 
Lors d’une séance d’information qui s’est déroulée le 4 mars dernier à la FER Genève, les orateurs, experts dans ces questions, ont souligné la nécessité de suivre un processus personnalisé. 
Parmi les intervenants, Hubert Gilliéron, avocat spécialisé dans le domaine de la transmission d’entreprise, a mis en lumière la complexité des problèmes qui se posent et a proposé une marche à suivre indicative. 
Sa recommandation essentielle aux entrepreneurs désireux de vendre est de se faire conseiller par des professionnels maîtrisant les implications financières, fiscales, commerciales et légales. Bien que cette option présente un coût, elle a l’avantage de minimiser les risques et d’identifier d’éventuelles opportunités. De plus, un expert est idéalement placé pour rapprocher les parties, notamment sur la délicate question du prix. Hubert Gilliéron a beaucoup insisté sur l’importance du processus de vérification (due diligence). Logiquement, l’acquéreur souhaitera examiner minutieusement l’entreprise cible, ce qui implique du vendeur de fournir des informations telles que des documents financiers, le rapport d’activité, les contrats et toutes les données opérationnelles permettant d’avoir une photographie actualisée de la situation. 
Les aspects réglementaires et fiscaux de l’entreprise à vendre doivent être inclus dans ce processus de vérification. Il peut s’agir de l’examen de déclarations fiscales passées ou la détermination de toute utilisation antérieure de prêt covid, qu’ils aient été remboursés ou non. Il convient de noter que de tels antécédents peuvent entraîner des contraintes pour la suite de l’activité. 
Cet accès global à l’information est un point crucial pour les deux parties, qui doivent toutefois prendre des mesures pour protéger les données sensibles pendant ce processus. Cela peut se faire par le biais d’un accord de confidentialité qui spécifie le cadre. Il est également important de gérer les communications touchant à ces aspects de manière sécurisée. 
Sur la base des conclusions du rapport de due diligence suivra une phase d’ajustements ou de négociations en vue de la conclusion du contrat final pour formaliser les modalités d’acquisition (qui peut prendre le nom de «contrat de cession» en droit suisse). Cet accord comprendra toutes les conditions et détails de la transaction, y compris d’éventuelles garanties ou des engagements post-transmission.

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