Les énormes dépôts de résidus toxiques de l’industrie minière

Les résidus miniers ont une durée de vie illimitée.
Les résidus miniers ont une durée de vie illimitée.
Pierre Cormon
Publié vendredi 04 octobre 2024
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#Métaux Les résidus miniers peuvent rester toxiques sans limite de temps après la fin de l’exploitation. Les mesures pour s’en protéger à long terme sont rarement prises.

Lorsqu’un barrage atteint sa limite de capacité et qu’il n’est plus possible de le surélever, on cesse de l’alimenter. «Jusqu’aux années 1960-1970, on laissait les boues sur place et elles finissaient par sécher», explique Lluís Fontboté. «Il existe des dizaines, voire des centaines de sites de ce type en Europe, qui doivent faire l’objet d’une surveillance à long terme.»

On désactive aujourd’hui les barrages en les renforçant et en accélérant le séchage de leurs boues. Les résidus séchés sont moins dangereux, mais pas anodins. Ils peuvent contenir des substances néfastes pour l’environnement, comme des métaux lourds, de l’arsenic ou de la pyrite, une substance minérale susceptible d’acidifier les eaux.

Pollution à l’arsenic

C’est par exemple le cas de la retenue de l’ancienne mine d’or de Salsigne, fermée en 2004, à une dizaine de kilomètres au nord de Carcassonne. Elle contient des résidus riches en cadmium, cyanure et arsenic. Le site est considéré comme le plus pollué de France. Lorsque la rivière voisine a débordé, en 2018, elle a laissé derrière elle des concentrations très élevées d’arsenic. On a trouvé des taux inquiétants de métaux lourds chez des riverains, lors d’analyses menées en 2020.

On doit donc stocker les résidus de manière pérenne en les protégeant du ruissellement. Les dépôts peuvent être de taille considérable. Au Chili, l’un d’eux s’étend sur 48 km2 – plus de trois fois la superficie de la ville de Genève. Qui s’aviserait d’y creuser dans dix mille ans s’exposerait encore à des substances toxiques. L’héritage laissé aux générations futures par notre soif de matières premières est donc particulièrement pesant. Il est voué à s’alourdir, la numérisation et le tournant énergétique requérant des quantités énormes de métaux.

Déserts

«Physiquement, ces dépôts sont stables, mais pas écologiquement», remarque Evandro Moraes, professeur au Département d’ingénierie des mines de l’Université fédérale du Minas Gerais. «Comme ils sont plats, ils n’opposent aucune résistance au vent. La faune et la flore n’y reviennent pas. Ils se transforment en déserts.» Si la couche de protection qui les recouvre s’érode, le vent peut emporter des poussières potentiellement toxiques. Les sites devront donc être surveillés pendant très longtemps. «On devrait obliger les compagnies à recréer des reliefs sur le site des anciens barrages, comme cela s’est fait en Australie», conclut Evandro Moraes. «C’est la seule manière de les rendre à la nature.» 

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