Politiques budgétaires: il va falloir passer à la caisse!

Olivier Rigot Publié vendredi 06 décembre 2024

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La fameuse formule «Quoi qu’il en coûte», martelée par Emmanuel Macron le 12 mars 2020 au début de la pandémie de covid-19 et reprise de la bouche de Mario Draghi en juillet 2012 («Whatever it takes») lors de la crise de l’euro, va se transformer en: «Il faut passer à la caisse». Il est piquant de constater que ces deux déclarations font allusion l’une à la politique budgétaire, l’autre à la politique monétaire, les deux grands leviers dont un État dispose pour conduire sa politique économique. Rappelons brièvement l’histoire: les quantités de liquidités déversées dans le système financier depuis la crise de 2008 ont finalement engendré une inflation, dont nos économies occidentales ont de la peine à se débarrasser. Quant aux politiques budgétaires, les déficits et l’endettement ont explosé, atteignant un point d’orgue lors de la crise sanitaire. Il est inquiétant de constater que les États occidentaux n’ont pas été capables de faire preuve d’orthodoxie financière depuis le boom induit par la réouverture des économies ces trois dernières années et la folie consuméristes qui a emporté les agents économiques frustrés par les confinements successifs. Les chiffres font peur: le déficit budgétaire américain devrait atteindre cette année environ 6,4% du produit intérieur brut (PIB), celui de la France avoisiner également 6%; même la Suisse devrait enregistrer un déficit budgétaire, ce qui a conduit notre Conseil fédéral à envisager toutes sortes d’économies. Le tabou de l’impôt n’en est plus un, même pour les pays dits libéraux. A l’image de Genève, la dérive budgétaire ne vient pas d’une crise des recettes, mais bien d’une crise des dépenses, exacerbée par les mécanismes de compensation automatique liés à l’inflation. La situation de la France est un cas d’école d’une dérive budgétaire incontrôlée, mais facilement explicable. Pendant les Trente Glorieuses, la France a développé un système de couvertures sociales généreuses basé sur le postulat que la croissance de ces années-là se poursuivrait à un rythme soutenu, générant des recettes fiscales en suffisance. Le premier choc pétrolier, puis le second et les crises successives ont contribué à un ralentissement du développement économique. Le différentiel entre la croissance réelle et la croissance théorique a été comblé par l’augmentation de l’endettement de l’État afin d’assurer les engagements pris par ce dernier. Le recours à l’impôt a été largement utilisé, tant et si bien qu’environ 57% du PIB français passe par l’État. C’est la fameuse démonstration de la courbe de Laffer qui montre, en résumé, que trop d’impôt tue l’impôt. Malgré les promesses du ministre français des finances, la marge de manœuvre pour réduire le déficit budgétaire endémique, corollaire de l’endettement du pays, est extrêmement ténue. En Suisse romande et à Genève en particulier, nous vivons, sur le plan des dérives des dépenses publiques, peu ou prou la même situation que chez notre grand voisin, à la différence près que cela fait trente ans que la dynamique économie genevoise vient au secours des finances du canton. Ce substrat fiscal a permis de mettre en place la politique sociale la plus généreuse du pays. Le budget du département de la cohésion sociale atteint 2,5 milliards de francs suisses – soit 25% du budget cantonal. Selon son ministre de tutelle, c’est pourtant insuffisant pour poursuivre la politique qu’il entend mener pour faire face, notamment, au vieillissement de la population. Nous connaissons pertinemment la fragilité de la pyramide fiscale genevoise, qu’il s’agisse des contributions des personnes morales ou physiques. Dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale désormais généralisé jusqu’au secteur florissant du luxe, il ne serait pas étonnant que l’on se retrouve, dans notre canton, avec un déficit budgétaire de l’ordre d’un milliard de francs suisses. Que fera notre Conseil d’État? Il se trouvera exactement dans la même situation que son homologue français aujourd’hui. Quel levier reste-t-il aux États pour contrecarrer des politiques budgétaires restrictives au plus mauvais moment d’un cycle économique globalement orienté à la baisse? Encore une fois, et nous revenons à l’introduction de notre réflexion, ce sont les politiques monétaires expansives qui vont prendre le relais, obligeant les banques centrales à abaisser leurs taux directeurs et, surtout, à insuffler des liquidités dans le système monétaire et financier pour le soutenir. Le grand gagnant - et les marchés financiers ne s’y sont pas trompés depuis quelques temps - sera l’or, ultime valeur refuge dans les périodes de dépréciations monétaires.