Technologies médicales: entre excellence économique et difficultés
Grégory Tesnier
Publié lundi 25 septembre 2023
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#Suisse Les entreprises de technologies médicales se portent bien en Suisse. Des obstacles freinent pourtant le développement du secteur.
«Nous souhaitions faire évoluer les choses dans le bon sens pour l’industrie et pour les patients, dans un contexte où la demande en matière de technologie médicale ne cesse d’augmenter.» Voilà comment Daniel Delfosse, vice-directeur de Swiss Medtech, l’association suisse de la technologie médicale, qui groupe quelque sept cent cinquante membres, des start-up comme de très grandes entreprises, présente l’activité de son organisation. Le secteur économique va bien: il est en pleine croissance. La dernière étude de 2022 portant sur «l’industrie suisse de la technologie médicale» de Swiss Medtech et du groupe Helbling (cinq cents entreprises du secteur de la technologie médicale interrogées) montre que, depuis 2020, l’industrie de la technologie médicale a créé quatre mille cinq cents nouveaux emplois et que la croissance des recettes se situe entre 7% et 8% en rythme annuel. Les autres chiffres sont tout aussi positifs (lire l’encadré ci-dessous). Les exemples de réussites entrepreneuriales dans le domaine de la technologie médicale sont nombreux, y compris en Suisse romande. Est-ce à dire que tout va bien? Aucun nuage à l’horizon? Non. «Certains bons chiffres du secteur nous étonnent nous-mêmes, car la situation est loin d’être satisfaisante, et ce à plusieurs niveaux», souligne Daniel Delfosse.
Frein à la croissance
En première ligne des obstacles qui se placent devant les entreprises du secteur de la technologie médicale, il y a le fait que la Suisse soit considérée, en matière d’exportation, comme un Etat tiers par l’Union européenne (UE). Même si les acteurs suisses du secteur se sont bien préparés et adaptés à la situation, cette dernière complique la vie des entreprises et freine leur croissance. «La documentation à remplir concernant les importations et les exportations de matériel est devenue très importante. La charge administrative assumée par nos membres a beaucoup augmenté», détaille Daniel Delfosse. Il évalue à 2% du chiffre d’affaires les coûts supplémentaires qu’il faut prévoir en raison du statut d’Etat tiers. L’année dernière, Peter Biedermann, directeur de Swiss Medtech, expliquait à ce sujet: «Les entrepreneurs ont fait ce qui les caractérise. Ils ne se sont pas lamentés, mais ont très tôt suivi l’appel de Swiss Medtech et se sont préparés avec beaucoup d’engagement à la période où ils n’auraient pas accès au marché intérieur de l’UE. Presque toutes les entreprises suisses de technologie médicale ont réussi à satisfaire en temps voulu les exigences supplémentaires posées aux pays tiers en matière d’exportation».
Un règlement de l’UE problématique
Il n’y a pas que cette difficulté pour les entreprises suisses du secteur de la technologie médicale. Le nouveau règlement de l’UE relatif aux dispositifs médicaux (RDM) pose également des soucis. Il est plus sévère que l’ancien et est contre-productif tant pour la branche européenne de la technologie médicale que pour la patientèle. Les frais administratifs supplémentaires – il faut par exemple rédiger à nouveau tous les certificats relatifs aux dispositifs médicaux – entraînent une augmentation des coûts et entravent les investissements en faveur des capacités de recherche et d’innovation.
Trouver d’autres fournisseurs
«Les PME rencontrent le plus de difficultés», précise Daniel Delfosse. Il évalue à dix milliards d’euros les coûts supplémentaires que l’industrie a dû prévoir en raison du RDM pour continuer à vendre les dispositifs médicaux existants. Difficultés administratives et coûts: plus de mille entreprises étrangères ont décidé d’arrêter d’exporter leurs dispositifs médicaux en Suisse. Résultat: les importateurs et les hôpitaux suisses doivent se débrouiller en cherchant d’autres fournisseurs. Dans cette perspective et face aux difficultés avec l’UE, Swiss Medtech demande l’ouverture du marché suisse à des dispositifs non européens. La logique est la suivante: des entreprises suisses pourraient donner la priorité à d’autres espaces géographiques que l’UE pour y obtenir la première autorisation de mise sur le marché de nouveaux dispositifs; cette autorisation – surtout celle donnée par la Food and Drug Administration américaine – servirait de base pour des importations et exportations facilitées sur le marché suisse. «Bien entendu, l’idéal serait que les relations bilatérales se stabilisent de façon durable entre la Suisse et l’UE. Toutefois, en attendant, nous tirons le signal d’alarme. Il faut que les choses bougent pour éviter des pénuries, une dégradation des conditions cadre et une baisse de compétitivité de notre industrie de la technologie médicale», insiste Daniel Delfosse.
Préparer l’avenir du secteur
Ce dernier explique encore que certaines sociétés basées en Suisse pourraient être tentées de s’implanter ailleurs, aux Etats-Unis notamment. Autre faiblesse de la Suisse: aucun autre pays ne produit autant de brevets par rapport au nombre d’habitants, et pourtant le processus qui mène du prototype au produit autorisé est très long et incertain. Les financements sont donc difficiles à obtenir. La situation est très différente aux Etats-Unis. Cela est dommage, car la Suisse possède des atouts essentiels dans le secteur de la technologie médicale: une grande capacité d’innovation – grâce à la proximité qui existe entre le monde académique et le monde économique – et un accès à des collaborateurs qualifiés, bien que malheureusement trop peu nombreux. Daniel Delfosse mentionne que son organisation travaille, en coordination avec ses membres, sur des thématiques majeures pour préparer l’avenir du secteur: la question de l’augmentation massive des coûts de l’énergie, des matières premières et de la logistique, celle de la transformation numérique des entreprises ou celle de la durabilité. «Nous accompagnons nos membres et nous discutons avec les autorités administratives et politiques sur tous ces sujets.»
Quelques chiffres
Les entreprises du domaine emploient quelque 70'000 employés, contre 50 000 il y a dix ans (en Suisse, plus d’une personne sur cent travaille dans la technique médicale).
Le secteur des technologies médicales représente une contribution de 11,5% à la balance commerciale positive de la Suisse.
Le chiffre d’affaires de la branche était de 20,8 milliards de francs en 2021.
Les exportations du secteur représentaient 11,9 milliards de francs en 2021. Les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial. Ils sont suivis de l’Allemagne et des Pays-Bas.
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