La neurodiversité peut prendre de nombreuses formes.
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Pierre Cormon
Publié lundi 08 décembre 2025
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#Entrepreneuriat
Les personnes dyslexiques, à haut potentiel ou atteintes de troubles de l’attention sont proportionnellement plus nombreuses à créer des entreprises.
Dyslexie, autisme, troubles de l’attention, hypersensibilité, haut potentiel intellectuel, hyper-activité: tous ces phénomènes, groupés sous l’étiquette de «neurodiversité» sont souvent vus comme des handicaps. Et pourtant, ils sont plus fréquents parmi les entrepreneurs que dans le reste de la population, indiquent plusieurs études.
Les données sont très incertaines: tous les neuroatypiques ne sont pas diagnostiqués, encore moins déclarés. Reste que leur surreprésentation parmi les entrepreneurs semble réelle. Plusieurs explications sont avancées.
Le monde du travail est rarement adapté au fonctionnement des neuroatypiques. L’effort constant qu'ils doivent consentir pour se conformer à leur environnement les épuise souvent. Un autiste peut par exemple avoir des capacités intellectuelles phénoménales, mais être mal à l'aise dans les interactions humaines. Une personne atteinte d’un trouble du déficit de l'attention peut avoir une capacité de travail hors norme, mais irrégulière et mal adaptée à celui d'une organisation traditionnelle.
Créativité Quant aux personnes à haut potentiel (ceux qu'on appelait autrefois les surdoués), «elles excellent souvent dans les tâches impliquant de nombreux paramètres et nécessitant une bonne vue d'ensemble», remarque Anne- Françoise Vuilleumier, créatrice de talentmatch, une entreprise neuchâteloise qui accompagne des personnes neuroatypiques dans leur carrière. «En revanche, elles ont besoin de nouveauté et de diversité, sans quoi elles s'ennuient et peuvent entrer dans des phases de démotivation très délétères.»
L'entrepreneuriat permet à ces personnes de modeler un environnement adapté à leur propre fonctionnement. «On peut créer ses propres règles et exprimer son talent pour le mettre au service des autres», explique Dan Noël, multi- entrepreneur autiste à haut potentiel.
Le fonctionnement cognitif des neuroatypiques leur donne souvent des qualités précieuses pour l'entrepreneuriat: créativité, grande capacité de travail, propension au risque, goût de la variété, capacité à voir les choses sous un angle différent, empathie, etc. «Monter un projet, élaborer un modèle d’affaires, devoir se former à différentes matières est très stimulant, cela leur convient parfaitement», constate Anne-Françoise Vuilleumier, elle-même à haut potentiel.
«Certains autistes se lancent plutôt en indépendants. Ils ont tendance à développer des passions très fortes et cherchent à créer une activité autour d'elles, par exemple dans l'informatique, la comptabilité ou les réparations en tout genre.» Ce n'est cependant pas une règle: autiste, Dan Noël possède une entreprise de presque cinquante collaborateurs, M.E.S. Gestion Sàrl (lire ci-dessous).
Enfin, les difficultés que les neuroatypiques affrontent peuvent forger leur caractère. «Jusqu'à ce que vous en fassiez un atout, la dyslexie est une souffrance», témoigne Etienne Jornod, président d’OM Pharma, dyslexique. «C'est une lutte de tous les instants. Or, la vie d'un patron et d'une entreprise est un combat. Un dyslexique est probablement mieux armé que d'autres pour y faire face.» Si les neuroatypiques ont certaines prédispositions à l'entrepreneuriat, ils doivent également surmonter des obstacles, qui varient en fonction de leur profil. Selon les cas, ils doivent apprendre à gérer leurs émotions, à maîtriser les codes sociaux, à canaliser leur énergie bouillonnante, à rétablir leur image d'eux-mêmes, à compenser leurs difficultés avec les mots ou les chiffres.
Equilibre «J'accompagne un neuroatypique qui a appris à cuisiner en autodidacte et a fini par ouvrir un restaurant», raconte Anne-Françoise Vuilleumier. «Il mène une vie extrêmement intense, ne se repose jamais, dort très peu. C'est difficile à tenir dans la durée: nous avons commencé à rétablir l'équilibre.» Une fois les parades trouvées, en revanche, ce qui pouvait être vu comme un handicap peut devenir un superpouvoir, selon l'expression de Dan Noël.
«La situation a beaucoup évolué depuis mon enfance», conclut-il. «On parle davantage des neuroatypiques, on les détecte mieux. Le système de formation ne leur est cependant toujours pas adapté. Nous devons réfléchir à la manière d'accompagner ces personnes et de leur offrir un cursus qui leur convienne pour leur permettre de transformer ce qui peut être vu comme un handicap en atout.»
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