Il possède une entreprise pharmaceutique. Il en a dirigé une autre pendant une trentaine d'années, au cours desquelles il l'a profondément transformée. Il a été le premier Suisse romand à présider la Neue Zürcher Zeitung. Pourtant, Etienne Jornod a mal débuté dans la vie professionnelle. Très mal, même.
Dyslexique, il était, de son propre aveu, un piètre écolier. «On écrivait Mimi a une jupe bleue, je lisais Mimi a une robe bleue», se souvient-il. «L'instituteur me prenait pour un imbécile.» Un conseiller en orientation note qu'Etienne Jornod a le contact facile. Il conseille de le placer en magasin. Ce sera un apprentissage de droguiste. Le jeune Neuchâtelois ne s'y épanouit d'abord pas plus qu'à l'école. «Je suis horriblement maladroit», raconte-t-il. «Mon patron me disait: attention à ces flacons, ne les casse surtout pas, et je les cassais tout de même.»
Puis, un jour, Etienne Jornod a un sursaut. Il décide de se prendre en main et, surtout, trouve le moyen de le faire.
Anticipation
Il anticipe les difficultés, les analyse et se prépare soigneusement pour les surmonter. Il applique cette méthode même aux tâches les plus simples, comme de passer le balai dans la remise. Grâce à elle, il réussit très bien son CFC et trouve un poste chez le distributeur pharmaceutique Galenica. Entouré de pharmaciens, l'ancien mauvais élève décide de décrocher un titre universitaire. «J'ai développé une méthode pour étudier», explique-t-il. «Je lisais un livre de cinq cents pages, j'en faisais un résumé de cinquante pages, puis résumais ce résumé en vingt, dix, cinq pages, puis en cinq mots. Le jour de l'examen, je notais ces cinq mots sur ma copie avant même de lire l'énoncé. Cela me permettait de synthétiser des questions complexes en quelques points.»
Etienne Jornod applique encore cette méthode. «On passe parfois une journée en séance à discuter d'un problème, avec des masses de documents, on part dans tous les sens. J'y repense la nuit et, le lendemain matin, j'ai tout synthétisé en quelques points.»
Consensus
Cette approche l'aide à expliquer son point de vue aux autres. Il intègre ensuite leurs remarques de manière à dégager un consensus. «Je tiens à ce que les décisions importantes soient prises à l'unanimité», précise-t-il.
C'est ainsi qu'il a convaincu les pharmaciens actionnaires de Galenica de laisser la société créer une chaîne de pharmacies qui leur ferait concurrence. Il leur a expliqué que c'était le meilleur moyen que l'entreprise survive et continue à leur fournir les services dont ils avaient besoin.
Il se prépare toujours aussi soigneusement, que ce soit pour une séance ou une interview. «Il m'arrive de ne plus trouver un mot important», raconte-t-il. «Peu après que j'aie racheté OM Pharma, on m'a abordé à l'Opéra de Zurich et demandé dans quelle domaine la société était active. Je n'ai pas retrouvé le mot «immunologie». Pour éviter ce genre d'embarras, avant une séance, je note toujours les mots essentiels sur un papier que je garde devant moi.»
Concentration
Cette méthode va de pair avec une capacité à s'absorber dans une tâche, lui qu'enfant on disait distrait. Si vous passez la tête dans son bureau pendant qu'il est en train de travailler, mieux vaut parler fort, sans quoi il ne vous entendra pas.
«Mon parcours a été très difficile», conclut -il. «Quand on est dyslexique, on vous prend pour un imbécile et on vous le dit. Mais les efforts que j'ai fait pour surmonter les difficultés m'ont donné des atouts. Ma capacité à simplifier les problèmes me sert beaucoup. Les difficultés que j'ai vécues m'ont aussi donné beaucoup de volonté. Quand je suis confronté à un problème, que ce soit dans la vie privée ou professionnelle, je ne me laisse pas décourager. Je l'empoigne et ne le lâche pas avant de l'avoir réglé.»
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