"Tu savais que le patron est neuroatypique?" 2/4

Au début de sa carrière, Dan Noël cachait son autisme.
Au début de sa carrière, Dan Noël cachait son autisme. Photo BCN
Pierre Cormon
Publié lundi 08 décembre 2025
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#Entrepreneuriat Au début de sa carrière, Dan Noël cachait son autisme.

La première affaire que Dan Noël a montée, à l'adolescence, aurait pu lui valoir de sérieux ennuis. Autiste à haut potentiel intellectuel, il a du mal à se lier aux autres. Il se réfugie dans l'informatique et les jeux vidéo. Ceux-ci sont alors vendus sous forme de disques. Il casse leurs protections, les copie et crée un réseau clandestin pour les revendre dans des écoles de toute la Suisse romande. «Quand mon père s'en est aperçu, il m'a tout de suite ordonné d'arrêter», se souvient-il.
Cette première expérience est l'expression d'une personnalité très particulière. «J'apprends très vite, je peux lire un livre de cinq cents pages en une heure et demie», explique-t-il. «Si quelque chose m'intéresse, je m'y lance à fond. Comme je m'ennuie rapidement, je lance tout le temps de nouveaux projets.»
Il vit d'abord ces caractéristiques comme un handicap et cherche à les cacher. Sa facilité à l'école l'isole, au point qu'il commet volontairement des erreurs dans les épreuves pour ne pas être vu comme un phénomène. A l'université, il choisit le marketing, car c'est le cursus dans lequel les heures de présence sont les moins nombreuses. Cela lui permet de travailler à côté à 60% dans l'entreprise de l'oncle de sa femme, dans laquelle il donne des cours de comptabilité. Le marketing correspond aussi à une autre de ses caractéristiques: l'hyperesthésie. «Je comprends tout de suite ce que la personne qui est en face de moi ressent», explique-t-il. «Quand je mange dans un restaurant, j'entends toutes les conversations et sais tout de suite qui a passé une bonne journée ou pas.»
Engagé comme business analyst chez Nestlé, il comprend vite qu'il ne peut pas cacher ses spécificités. «On m'a donné de la documentation me permettant de me familiariser avec ma fonction et deux semaines pour la lire; j'ai tout assimilé en deux heures. Mon chef ne m'a pas cru, j'ai dû lui expliquer mon fonctionnement.» Ce coming out l'encourage à exploiter ses particularités. Il grimpe rapidement les échelons et devient responsable de l'unité business intelligence.
Il passe ensuite plusieurs années dans des banques à s'occuper de transformation numérique, se met à son compte et découvre ce qu'il appelle le monde merveilleux de la consultance. «Je faisais le même travail qu'avant, souvent pour mes anciens employeurs, mais j'étais mieux payé et vraiment écouté», sourit-il.
Le virus de l'entrepreneuriat l'a contaminé. Il reprend un quart, puis l'entier de l'entreprise de l'oncle de sa femme, lance plusieurs projets et entreprises en parallèle, que ce soit pour coacher des créateurs d'entreprises ou accompagner des organisations dans leur transformation numérique. «Le dénominateur commun est que je me trouve toujours à la frontière entre le numérique et l'humain, pour aider celui-ci à tirer le meilleur parti des mutations en cours», estime-t-il. Il intervient dans des formations, des conférences ou des grandes entreprises pour parler de transformations numérique ou de neuroatypie. «Les grandes sociétés étasuniennes s'y intéressent beaucoup; il arrive même qu'elles cherchent spécifiquement des neuroatypiques pour certains postes», note-t-il. Il est aussi entré au Conseil d'administration de la Banque cantonale de Neuchâtel, où il est chargé de la transformation numérique.
Vous avez le tournis? C'est normal. Tout va très vite avec Dan Noël. Ce qui rend parfois difficile de travailler avec lui, de son propre aveu. «Je suis impatient et j'ai de la peine à accepter que les autres n'aillent pas aussi vite que moi. Je passe très vite de l'exaltation à l'abattement, et j'ai horreur des conflits.»
Il s'est donc entouré de personnes qui comprennent son fonctionnement, dont plusieurs ont des personnalités atypiques. Il lance les idées à la pelle, mais laisse la gestion quotidienne à la directrice générale de son entreprise. «Recadrer un collaborateur, mener un entretien annuel, ce n'est pas pour moi», remarque-t-il. 

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