Salarié ou indépendant: quels sont les critères de distinction?
Contrat de travail, de mandat ou indépendance: il faut savoir les distinguer!
Juliette Jaccard
Publié jeudi 27 mars 2025
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#Droit du travail
Savoir si l’on est en présence d’un contrat de travail ou non revêt une importance primordiale.
Savoir si l’on est en présence d’un contrat de travail ou non revêt une importance primordiale. En effet, le droit du travail attache de nombreuses conséquences à l’existence d’un tel contrat, tels que le paiement du salaire en cas d’incapacité de travail, le paiement des vacances, le respect d’un délai de congé, la protection contre les licenciements, etc. La distinction entre salarié et indépendant revêt également une importance considérable en droit des assurances sociales, non seulement parce que la détermination du statut a un impact sur l’obligation de payer des cotisations ainsi que sur le montant dû, mais aussi parce que la protection sociale accordée à une personne exerçant une activité lucrative salariée ou indépendante diffère1.
Qu’est-ce qu’un contrat de travail?
Le contrat de travail est un contrat bilatéral caractérisé par quatre éléments essentiels, à savoir:
1. une prestation (personnelle) de travail: l’employé s’engage à travailler et à mettre son temps et sa propre capacité de travail à disposition de l’employeur.
2. une rémunération: la prestation de l’employé est effectuée à titre onéreux et l’employé n’assume pas le risque économique de l’entreprise.
3. un élément de temps: par la conclusion du contrat de travail, l’employé s’engage en principe à mettre son temps à la disposition de l’employeur pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat ne s’éteint pas par la réalisation de la prestation, mais par l’écoulement du temps prévu ou par le congé donné par l’une ou l’autre des parties.
4. un rapport de subordination: le rapport de subordination revêt une importance primordiale. Il présuppose que l’employé est incorporé dans l’organisation de l’entreprise et se trouve soumis à l’autorité de l’employeur à quatre points de vue:
d’un point de vue temporel: l’employé doit faire part à l’employeur de ses absences et les justifier. Il doit également souvent respecter un nombre d’heures hebdomadaires ainsi qu’un horaire de travail.
d’un point de vue géographique: l’employé exerce souvent son activité dans les locaux de l’employeur.
d’un point de vue hiérarchique: l’employé doit suivre les directives de l’employeur, lesquelles instaurent un droit de contrôle. L’employé a également souvent des objectifs à atteindre.
D’un point de vue organisationnel: l’employé dispose souvent du matériel fourni par son employeur. Ses frais professionnels sont remboursés par l’employeur. Il utilise l’adresse e-mail de son employeur.
Qu’est qu’un contrat de mandat?
Par le contrat de mandat, le mandataire s’oblige, dans les termes de la convention, à gérer l’affaire dont il s’est chargé ou à rendre les services qu’il a promis (art. 394 al. 1 CO). Une rémunération est due au mandataire si la convention ou l’usage lui en assure une (art. 394 al. 3 CO). Contrairement au travailleur, le mandataire ne perçoit pas de salaire, mais adresse à son client une note d’honoraires. Pour ce qui concerne la fin du contrat de mandat, la loi prévoit que le mandat peut être révoqué ou répudié en tout temps (art. 404 al. 1 CO).
Casuistique
L’intitulé du contrat n’est pas déterminant pour savoir si l’on est en présence d’un contrat de travail. Le juge qualifiera les relations contractuelles sur la base de l’ensemble des circonstances et des faits tels qu’il se sont déroulés.
Salarié requalifié en indépendant (contrat de travail fictif) Dans une affaire qui concernait un contrat intitulé «contrat de travail», la Cour de Justice du canton de Genève a considéré que le contrat de travail était simulé. Les parties avaient contracté uniquement pour bénéficier des prestations d’une assurance. Il n’y avait pas de rapport de subordination entre les parties, ni d’obligation de fournir un travail2.
Indépendant requalifié en salarié Le Tribunal fédéral a considéré que les chauffeurs Uber actifs à Genève étaient liés par un contrat de travail à la société néerlandaise Uber B.V, du fait notamment de l’existence d’un lien de subordination. Il existait en effet un système de notation de la part des clients qui permettait d’exclure les chauffeurs, ce qui revenait à une sélection, même si elle ne se faisait pas à l’embauche. Les chauffeurs effectuaient personnellement les courses. Ils recevaient des SMS d’incitation à se connecter à l’application et étaient sanctionnés d’un délai d’attente pour se reconnecter à l’application en cas de désactivation à la suite de refus de courses. Un taux d’annulation trop élevé pouvait en outre conduire à la désactivation du compte. Les chauffeurs acceptaient l’ensemble des documents contractuels fixant les conditions de la relation pour une durée indéterminée. Une fois ces documents cadre signés, les chauffeurs effectuaient des courses qu’ils pouvaient, dans une certaine mesure, refuser. Un tel modèle évoque le travail sur appel improprement dit3.
Initiative parlementaire n°18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties.» En 2018, le conseiller national Jürg Grossen a déposé une initiative parlementaire qui demande que la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales soit modifiée afin que les accords passés entre les parties soient pris en compte lors de la détermination du statut du cotisant.
Le 14 février 2025, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a rendu un rapport suite à cette initiative. Pour la Commission, les critères déterminants doivent être, d’une part, le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial et, d’autre part, les éventuels accords entre les parties. De plus, elle souhaite prévoir que des tiers, tels que les entreprises de plateforme, puissent soutenir les indépendants afin de faciliter le versement des cotisations4.
En conclusion
Pour interpréter un contrat, il convient d’examiner les circonstances concrètes du cas particulier. Pour identifier un éventuel rapport de subordination entre l’employeur et l’employé, caractéristique d’un contrat de travail, il convient d’examiner la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, le degré de liberté dans l’organisation du travail et du temps, l’existence ou non d’une obligation de rendre compte de l’activité et/ou de suivre les instructions. En outre, l’identification de laquelle des deux parties supporte le risque économique permet de différencier le contrat de travail d’autres contrats, comme le contrat de mandat.
2 Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/47/2024 du 3 juin 2024; voir aussi Arrêt du Tribunal fédéral 4A-141/2023 du 9 août 2023 et Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/49/2017 du 28 mars 2017.
3 Arrêt du Tribunal fédéral 2C-34/2021 du 30 mai 2022
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