Le premier choc pétrolier en 1973 a provoqué un séisme dans les consciences occidentales concernant l’utilisation d’une ressource qui paraissait inépuisable et bon marché: le pétrole. Le quadruplement des prix de l’or noir et la création d’un cartel, l’OPEP, visant à s’affranchir d’un néo-colonialisme pétrolier et ayant pour objectif de réguler la production pétrolière afin de maintenir des prix élevés sur les marchés finaux ont provoqué une récession mondiale, alimenté une spirale inflationniste, exacerbée en 1978-79 par le deuxième choc pétrolier. Qui se souvient des dimanches sans voitures et du slogan: «En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées»?
Des idées fleuriront bientôt à foison, tournées vers le concept dit des énergies renouvelables: exploitation du potentiel énergétique de l’énergie solaire, du vent, des vagues, des marées, du biogaz, amélioration de l’efficience énergétique afin d’économiser la consommation d’énergie. On évoquait déjà le développement des pompes à chaleur, du potentiel de l’hydrogène ou de la fusion nucléaire. On cherchera des solutions pour mieux isoler les bâtiments, pour les rendre plus intelligents en implémentant le concept de domotique.
Baigné dans un environnement familial spécialisé dans les différentes problématiques de l’énergie, j’ai rédigé en 1978 mon travail de maturité en géographie économique sur les énergies renouvelables. Sans forfanterie, ce rapport reste d’actualité. À cette époque, toutes les énergies renouvelables dont on parle aujourd’hui étaient connues et répertoriées, il suffisait de développer et d’améliorer la technologie encore embryonnaire.
Où en sommes-nous, plus d’un demi-siècle plus tard? À peu près nulle part et tout reste à faire. Le coût des énergies fossiles est resté bas durant des décennies, n’incitant guère les décideurs politiques et l’économie privée à envisager des énergies de substitution, si ce n’est à la marge ou avec des conséquences environnementales catastrophiques, comme brûler du charbon pour produire de l’électricité ou recelant des risques potentiels énormes comme la filière nucléaire traditionnelle. La France, en particulier, fera le choix du nucléaire, la Suisse d’exploiter encore mieux son potentiel hydro-électrique et d’autres de brûler du gaz, du charbon ou du pétrole.
Le réchauffement climatique est passé par là et, malgré les grandes promesses de part et d’autre, nos sociétés, de plus en plus dépendantes de l’électricité, se trouvent dans une impasse. À titre d’exemple, à Genève, la production électrique locale issue de l’énergie solaire représente environ 3% des besoins du canton. La plupart de nos bâtiments sont encore et toujours mal isolés. Les personnes qui ont entrepris la démarche écologique d’installer des panneaux solaires photovoltaïques sur leur toit se sont bien vite rendu compte qu’en hiver la production est très faible alors que la facture du courant achetée aux distributeurs explose. Bien que l’installation de panneaux photovoltaïques ou thermiques doive être poursuivie, la saisonnalité de la production posera rapidement davantage de problèmes qu’elle n’en résout. En Suisse, il y a une surproduction d’électricité en été alors que la demande est faible, ce qui conduit à des situations où les distributeurs vendent à la belle saison de l’électricité à des prix négatifs. Cela ne sera pas sans conséquence sur les rétributions payées aux petits producteurs.
Cessons de nous raconter des histoires: ce n’est ni le solaire, ni les éoliennes, ni la biomasse ou les barrages qui nous sauveront du blackout et ce ne sont pas les bougies qui rechargeront nos portables ou nos voitures électriques. Les géants de la technologie américaine ont bien compris qu’ils devaient s’assurer une fourniture suffisante d’électricité en tout temps pour faire tourner leurs centres de données. Ils investissent désormais dans l’énergie nucléaire de dernière génération et, après une longue courbe d’apprentissage, les réacteurs AP 1000 de Westinghouse connaissent un large regain d’intérêt avant que les mini centrales nucléaires ne soient totalement opérationnelles.
Si la Suisse a pour objectif de regagner son indépendance énergétique, elle devra nécessairement passer par la filière nucléaire, pas celle que nous avons tous en tête et qui date des années 1970, mais celle dite de dernière génération. Notre pays a la capacité technologique et les ressources humaines pour faire partie des pays au cœur de l’innovation. Il est temps de rassembler nos forces, entre les écoles polytechniques fédérales, l’Institut Paul Scherrer, les incubateurs qui gravitent autour des universités, le CERN à Genève, etc. Nous avons les moyens d’y parvenir. Il faut de la volonté politique, une approche agnostique et une information claire à la population sur les enjeux énergétiques. Le Conseiller fédéral Albert Rösti a eu raison d’ouvrir le débat sur la question. Il est temps que tous les partis gouvernementaux lui emboîtent le pas. La Suisse a été le pays des visionnaires, des bâtisseurs et de grands entrepreneurs qui ont osé prendre des risques et posé les bases de la prospérité dont nous bénéficions aujourd’hui.
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