Une fiscalité plus équilibrée

Propos recueillis par Catherine Lance Pasquier
Publié jeudi 27 février 2025
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#Impôt sur la fortune Entretien avec Stéphane Tanner, membre du comité directeur de la FER Genève.

Quels sont les objectifs de la loi sur les estimations fiscales de certains immeubles (LEFI), entrée en vigueur le 1er janvier 2025?

Les objectifs de la LEFI, dont le projet a été initié et porté par la FER Genève, étaient doubles. D'une part, il s'agissait de résoudre de manière pérenne la question, ouverte depuis trop longtemps, de l'estimation fiscale des biens immobiliers occupés par leurs propriétaires et restés en mains familiales depuis de nombreuses années. D'autre part, il s'agissait d'enfin répondre à l'attente, manifestée par les milieux économiques et les contribuables concernés, de baisser l'impôt sur la fortune. La loi adoptée par votation populaire en juin 2023, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, résout ainsi de manière bien comprise par la population cette double problématique. Bien qu'un recours soit encore pendant auprès du Tribunal fédéral, je constate que la loi acceptée par la population a été totalement validée par la Chambre constitutionnelle du canton de Genève et que le Conseil d'Etat a décidé d'en promulguer l'application sans plus attendre.

S'agissant des biens immobiliers concernés, leur valeur fiscale a été augmentée, ce qui répondait à une nécessité d'améliorer l'égalité de traitement entre les contribuables propriétaires de leurs biens immobiliers servant à leur habitation personnelle. S'agissant de l'impôt sur la fortune, le canton de Genève connaissait le taux d'imposition le plus élevé de Suisse tout en appliquant pour le surplus les règles d'évaluation de certains éléments imposables, en particulier la valeur des entreprises, de manière très rigoureuse. La baisse de l'impôt sur la fortune vient ainsi corriger cet effet ciseau d'une valorisation excessive accompagnée d'un taux d'imposition très élevé.

Cette loi prévoit en outre des mesures d'accompagnement consistant en une incitation à l'acquisition de son lieu d'habitation, sous la forme d'une réduction de l'impôt immobilier complémentaire, et à l'introduction d'une imposition minimale de 2% en cas de revente de son bien immobilier après une période de détention de 25 ans, les immeubles privés étant jusqu'alors exonérés.

La FER Genève est ainsi satisfaite d'avoir été un moteur dans l'amélioration des conditions cadre fiscales permettant, pour la défense des intérêts de ses membres et de l'économie genevoise en général, de maintenir et développer le tissu économique entrepreneurial dans le canton de Genève.

Pourquoi la question de l’impôt sur la fortune est-elle si importante?

Cette baisse est nécessaire pour disposer d’une fiscalité plus équilibrée. Les cantons de Vaud et de Genève présentent les charges fiscales sur les personnes physiques parmi les plus élevées de Suisse. La pression est particulièrement forte sur une minorité de contribuables qui apporte une contribution majeure en termes de recettes fiscales. Le financement de l’Etat est dès lors fortement tributaire de cette pyramide fiscale fragile.

Comme évoqué plus haut, l'impôt sur la fortune frappant l'entrepreneur est, pour des raisons liées aux taux d'imposition et à l'application par le canton de Genève des méthodes d'évaluation des entreprises (outil de travail), très élevé. Cela constitue un facteur négatif pour les entrepreneurs et créateurs d'emplois dans le canton de Genève, en particulier les PME. C'est pour résoudre cette question que le Conseil d'Etat avait présenté une loi spécifique visant à introduire un tarif d'imposition réduit pour les entrepreneurs (allégement de la fiscalité de l'outil de travail), projet refusé par la population.

La LEFI, parce qu'elle réduit l'imposition sur la fortune, constitue un premier pas pour répondre aux attentes spécifiques des entrepreneurs.

Quels sont les prochains enjeux fiscaux?

L’initiative populaire fédérale des Jeunes socialistes qui vise à instaurer un impôt de 50% sur les successions et donations est une menace pour la place économique suisse. Outre ses aspects problématiques en termes de sécurité du droit, cette initiative menace à la fois les entreprises familiales suisses et les recettes fiscales de l'Etat.

Pour financer le nouvel impôt, l'héritier se trouvera en effet en situation de vendre une partie du patrimoine et, s'il s'agit d'une entreprise, cela se fera au risque de sacrifier des emplois. De manière plus générale, il faut également rappeler que les contribuables paient déjà des impôts élevés aux niveaux cantonal et fédéral, en particulier des impôts sur le revenu et le bénéfice ainsi que, de manière presque unique au monde, sur la fortune. Le prélèvement de droits de succession et donation existe déjà de manière générale dans les cantons. Cette nouvelle imposition sur le patrimoine voulue par les Jeunes socialistes viendrait donc se superposer à ces impôts existants.

La crainte créée par ce nouvel impôt affaiblira l'attractivité de la Suisse et d'importants contribuables préféreront quitter notre pays, faisant ainsi perdre à la collectivité non seulement les éventuels droits de succession, mais également les impôts qu'ils paient déjà aujourd'hui.

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