Marie-Hélène Miauton
Publié lundi 08 décembre 2025
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Dimanche 30 novembre, le peuple suisse a voté avec une maturité exceptionnelle. Sur le plan fédéral, il devait répondre à deux initiatives. L’une proposait d’introduire un service citoyen afin d’élargir l’obligation de servir à toutes les femmes et à tous les hommes du pays, qui devraient désormais s’engager pour la communauté et la sécurité, notamment dans l’armée, la protection civile, la protection de l’environnement, l’intervention en cas de catastrophes, la santé, l’éducation ou l’action sociale. Sous couvert de favoriser l’esprit civique et de prôner l’égalité entre les genres, cette suggestion n’avait que des défauts, le moindre étant son coût exagéré. Le pire consistait à dévaluer le service militaire, ramené au même rang qu’une aide temporaire dans un EMS, toute méritoire soit-elle, ou une opération de ramassage des déchets sur les rives du lac. En outre, la tendance actuelle à se détourner de l’armée au profit du service civil aurait été encore renforcée. Le peuple ne s’y est pas trompé et a balayé ce projet à 84%, un score sans appel à l’unanimité des cantons. L’autre texte de ces votations automnales proposait de taxer les gros héritages, avec l’instauration d’un impôt fédéral de 50% sur les successions et les donations à partir de cinquante millions de francs, ceci dans le but de financer des mesures climatiques. Tout ici aurait dû convaincre puisqu’il s’agissait de cibler les riches, trop riches aux yeux de certains, dans un but d’intérêt public. Le texte misait indirectement sur cette jalousie malsaine envers les gens aisés, au point que les Jeunes socialistes, à l’origine de l’initiative, avaient même osé le slogan Brûler les riches. Le peuple a refusé de les suivre avec un score sans appel de 78%. Ces deux scrutins avaient tout pour plaire en ceci qu’ils sollicitaient les émotions plus que la raison. Les Suisses se sont défiés des bons sentiments avancés par les initiants et ils ont déjoué tous les pièges qui leur étaient tendus: la haine envieuse du nanti, l’illusoire invocation de l’égalité homme-femme, la superficialité d’un engagement citoyen dénué de sens réel, l’alibi environnemental, etc. À l’inverse, chez notre voisine la France, les sondages montrent que le peuple soutient largement l’idée d’un service national volontaire. En outre, l’Assemblée nationale a approuvé une taxe sur les ultra-riches que le sénat, plus prudent, a pour l’instant retoquée. Vérité en deçà, erreur au-delà... Comme si ces deux scores secs et sonnants ne suffisaient pas, ce week-end de votations a réservé encore bien des surprises. À Genève, l’aide sur les soins dentaires a été rejetée, de justesse soit, qui proposait un chèque annuel pour un coût de quarante-cinq millions de francs, de même que son contre-projet, pourtant plus raisonnable. Ce texte, lui aussi, aurait dû convaincre aisément tant la dentisterie est chère en Suisse, mais il semble que l’acceptabilité aux mesures sociales n’est pas élastique à l’infini. De même, dans le canton de Fribourg, l’instauration d’un salaire minimum a été repoussée, laissant la main aux partenaires sociaux, qui font excellemment leur travail en ces matières. Il est donc toujours permis de compter avec un peuple suisse politiquement aguerri et sachant se faire une opinion indépendante grâce à une pratique pluriannuelle du vote, capable également de soupeser le pour et le contre lorsqu’une proposition alléchante lui est faite. Pour justifier leur défaite, les mauvais perdants invoquent la différence des montants investis par les initiants et les opposants. Ce faisant, ils soupçonnent les citoyens de se laisser influencer par le rabâchage publicitaire, oubliant au passage de décompter tout le poids du discours médiatique, plutôt favorable aux thèses de la gauche, selon des études sérieuses. En réalité, le corps électoral suisse est d’une remarquable maturité et, à maintes reprises, il a su faire passer son intérêt particulier après le bien général. C’est pourquoi, avec le recul, il se trompe rarement. Chapeau bas!
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