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Comment repenser la ville face aux îlots de chaleur?

Olivier Wurlod Cofondateur de SwissPowerShift Publié lundi 12 mai 2025

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Selon l’Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse, les différences de température entre la ville, plus chaude, et sa périphérie, plus fraîche, peuvent atteindre jusqu’à six degrés. En été, notamment lors des vagues de chaleur, les principales villes du pays se transforment en véritables îlots de chaleur.
Ce phénomène, de plus en plus fréquent, suscite l’inquiétude des autorités locales en raison de ses impacts sur la santé. «Les îlots de chaleur ne sont pas uniquement un problème de confort, mais ont un coût significatif sur la santé avec, par exemple, des risques respiratoires et cardiovasculaires plus élevés qui diminuent l’espérance de vie», soulignait une étude de l’École polytechnique fédérale de Lausanne publiée en 2024. Pour la seule Cité de Calvin, ils seraient responsables de quatre décès supplémentaires pour cent mille habitants chaque année.
Conscientes de l’ampleur du problème, les municipalités multiplient les mesures d’adaptation dans les centres urbains. Parmi celles-ci figurent l’extension des espaces verts et des zones aquatiques, la création de corridors d’air frais, l’installation de murs végétalisés, la construction de toitures claires à fort pouvoir réfléchissant, l’adoption de matériaux rafraîchissants comme le bois, ainsi que l’adaptation des revêtements de voirie.
L’un des aspects positifs de la lutte contre la chaleur urbaine réside dans les opportunités qu’elle génère au niveau entrepreneurial pour de nombreux secteurs d’activités, mobilisant un nombre croissant d’acteurs, souvent des entreprises locales et spécialisées. Prenons l’exemple concret de la végétalisation des centres urbains: elle implique l’intervention d’entreprises expertes en aménagement paysager, en installation de toitures et de murs végétalisés, mais aussi en entretien des parcs et jardins.
Des opportunités similaires émergent dans le secteur de la construction. De l’architecte aux entreprises du bâtiment, l’urbanisme durable peut devenir une source de prospérité pour des structures déjà établies, tout en offrant un terrain de croissance pour des start-up innovantes. Car rafraîchir les villes ne se résume pas à planter des arbres: il faudra aussi développer de nouveaux matériaux plus perméables, par exemple aux fortes pluies.
La transformation des centres-villes devient d’autant plus inévitable que la Suisse - comme de nombreuses régions du monde - consacre une part croissante de son énergie au refroidissement urbain. Les dernières statistiques de l’Agence internationale de l’énergie sont sans appel: la prolifération des climatiseurs figure parmi les principales sources de hausse des besoins énergétiques dans les grandes métropoles de la planète.
Il est d’autant plus urgent que les pouvoirs publics s’emparent de cette problématique, compte tenu du temps nécessaire pour adapter les villes aux îlots de chaleur. Prenons l’exemple de l’arborisation des centres urbains. Selon une étude menée par l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau, il faut en moyenne une dizaine d’années pour qu’elle produise des effets tangibles sur le climat urbain.
Sans intervention rapide, il faut en être conscient, même en Suisse, vivre en ville deviendra à certaines périodes de l’année, non seulement inconfortable mais aussi dangereux pour la santé. Les solutions existent - encore faut-il avoir la volonté de les mettre en œuvre.