Du CO2 capté à Berne a été stocké en Islande et en Suisse
Pierre Cormon
Publié lundi 29 janvier 2024
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#CO2 Un projet a étudié deux options de capture et séquestration du CO2. Toutes deux sont techniquement faisables et ont un impact climatique nettement positif.
Puisqu’on parviendra difficilement à éviter toutes les émissions de CO2, peut-on capturer celui qui est émis par les gros consommateurs (cimenteries, usines d’épuration, etc.) et le stocker de manière sûre et pérenne? C’est la question sur laquelle s’est penchée une coalition d’acteurs suisses publics et privés. Ils ont mené le programme, DemoUpCarma, piloté par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, avec le soutien financier de la Confédération. Le résultat a été présenté le 6 décembre 2023.
Un projet-pilote de capture et séquestration du CO2 dégagé par la station d’épuration des eaux d’Ara, près de Berne, a été mené. Deux options ont été étudiées.
Option islandaise
La première option consiste à liquéfier le CO2 sur place et à l’envoyer en Islande, pour stockage définitif. Il est d’abord transporté par camion à Weil am Rhein, au-dessus de Bâle, chargé sur un train jusqu’à Rotterdam, voyage par bateau jusqu’en Islande et est amené par camion jusqu’au lieu de stockage définitif. Quatre-vingt tonnes de CO2 ont voyagé de la sorte, dans le cadre du programme. En Islande, il est mélangé avec de l’eau de mer et injecté dans un sous-sol basaltique, à trois ou quatre cents mètres de profondeur. Il se transforme en minéral en quelques années, ce qui permet de le stocker de manière stable et pérenne.
Option béton
La seconde option consiste à capturer le CO2 dans du béton recyclé, à raison de treize kilos de CO2 par tonne de béton, selon une méthode développée par la startup bernoise Neustark (mettre un lien vers l’excellent article « Le béton, grand émetteur de CO2, a tout pour devenir durable). Le procédé peut être utilisé dans n’importe quelle usine de recyclage de béton et utilisé à l’échelle industrielle. Le CO2 reste stocké dans le béton même après la destruction de l’ouvrage dans lequel ce dernier a été employé. L’eau de nettoyage des véhicules et usines à béton peut être utilisée pour fabriquer le béton, ce qui permet de préserver les ressources en eau et de stocker encore davantage de CO2.
Impact positif
Conclusion des chercheurs: les deux options sont techniquement faisables et ont un impact climatique positif. La première permet de séquestrer du CO2 avec une efficience de 80% (CO2 capturé moins CO2 émis pour les opérations de captage, transport et stockage). Le bilan pourrait être sensiblement amélioré avec un pipeline (comme l’Union européenne veut en construire), les deux tiers de l’impact étant dus au transport. La seconde a une efficience de 90%, et améliore même certaines qualités du béton. Des obstacles inattendus sont cependant apparus. Comme le transport de CO2 pour séquestration à travers plusieurs pays était une première, les administrations douanières ne savaient par exemple pas comment classifier le produit.
D’autres projets
Une nouvelle initiative pour le captage du CO2, Mining the Atmosphere, a été annoncée en décembre par le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (EMPA). Elle vise à étudier dans quelle mesure du CO2 retiré de l’atmosphère peut être utilisé comme matière première sous forme d’hydrocarbures, en le combinant avec de l’hydrogène. L’avantage: on pourrait utiliser les chaînes logistiques des hydrocarbures fossiles, sans devoir en créer de nouvelles. «Les agrégats à base de carbone pour le béton et l’asphalte ainsi que les matériaux d’isolation thermique sont donc actuellement au cœur de nos recherches», précise l’EMPA.
Tree Energy Solutions, une startup basée à Bruxelles, veut par ailleurs fournir les utilisateurs de gaz naturel en méthane de synthèse vert. Celui-ci sera fabriqué à partir d’hydrogène vert et, à terme, du CO2 dégagé lors de sa propre combustion, dans un circuit fermé. Elle pourrait commencer à servir des clients suisses dès 2027-2028 (lire dossier de notre prochaine édition).
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