Genève a immortalisé son visage du XIXème siècle

Le relief Magnin, maquette de Genève en 1850: vue depuis le sud.
Le relief Magnin, maquette de Genève en 1850: vue depuis le sud. Photo Pymous/creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/
Flavia Giovannelli
Publié mercredi 10 juillet 2024
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#Relief Magnin La maquette d'Auguste Magnin montre Genève telle qu'elle était en 1850.

 Architecte et nostalgique de Genève telle qu’en 1850, Auguste Magnin a consacré seize ans de sa vie (de 1880 à 1896) à réaliser une maquette de près de huit cents kilos de la cité, d’une incroyable précision, à l’échelle 1:500. Elle a été présentée à l’exposition nationale suisse de 1896. Initialement destinée à être utilisée à des fins militaires, afin de planifier la défense de la ville, la maquette est rapidement devenue un outil précieux pour les urbanistes, les architectes et les citoyens, qui ont ainsi pu mieux comprendre la géographie et l’histoire de Genève.

Sauvegarde numérisée

Conservée à la Maison Tavel, l’œuvre n’était toutefois pas à l’abri de tout risque, notamment d’incendie, sachant qu’elle est composée d’une multitude de petites pièces en divers matériaux, dont certains, comme le zinc, sont hautement inflammables.

En 2010, les pouvoirs publics ont décidé de prévenir une perte patrimoniale irréparable. Il s’agissait de réaliser un scan complet en 3D du relief Magnin. La Ville, le Canton et la Confédération ont mis la main au porte-monnaie et des fondations privées ont également participé de manière substantielle au financement de ce projet. Un consortium comptant des historiens, des graphistes et d’autres experts, piloté par Thierry Sangouard, directeur de l’entreprise de géomatique Spatial, à Carouge, s’est alors chargé de la réalisation sur le plan pratique.

Gaëtan Martin, géomaticien chez Spatial, se souvient encore de certains détails pour avoir apporté sa contribution: «Genève faisait figure de pionnier dans une telle approche, et nous avons dû expérimenter des techniques encore inédites. Il a fallu scanner la maquette sur place, en utilisant un bras robotique fabriqué sur mesure, capable de prendre des clichés sous toutes les dimensions depuis l'extérieur de la pièce». Au final, le scanner a fourni des données d’une précision proche du dixième de millimètre, qu’il a toutefois fallu compléter par un minutieux travail photographique, notamment dans certaines zones d’ombre de la maquette.

«Au fur et à mesure que nous avancions, nous étions tous admiratifs face à la finesse de la réalisation d’Auguste Magnin, allant des types des maisons à ceux des petites fenêtres, sans oublier la végétation typique de cette période», relate Gaëtan Martin. Ne laissant aucun détail au hasard, ce sont des scientifiques du Jardin botanique de Genève qui ont attesté de la qualité du travail sur le plan végétal.

«Pour affiner la maquette numérique, nous avons fourni de nombreuses estampes, gravures, photographies ainsi que des plans de la Genève de l'époque, raconte Nicolas Schätti, conservateur du Centre d'iconographie de la Bibliothèque de Genève. Des historiens ont également été consultés. A la suite de cette première étape, Thierry Sangouard a décidé d’aller plus loin en réalisant une sorte de Google Earth de la Genève de 1850, dans laquelle les gens pourraient déambuler. Un autre consortium d’entreprises et de représentants des autorités a alors pris le relais selon les nouvelles compétences nécessaires.

Troisième vocation

Au-delà de l’intérêt historique et didactique, la mise à disposition de données en open source, voulue par Sami Kanaan, conseiller administratif à la Ville de Genève, a permis d’envisager d’autres débouchés. La fondation Artanim, devenue Dreamscape, une entreprise qui propose des expériences de réalité immersive à Confédération Centre, s’est montrée intéressée: elle a développé l’une de ses premières attractions, Genève 1850, qui permet aux amateurs et aux curieux de vivre un voyage immersif dans le temps. Grâce à des capteurs et à un casque de réalité virtuelle, il est possible de déambuler dans les rues d’autrefois et de croiser James Fazy ou le général Dufour en étant certains que les détails historiques sont étayés.

Plus d’un siècle après avoir été réalisé par un passionné, le relief Magnin est à la fois un témoignage, une source d’innovation et une expérience historique unique. «La motivation de la Ville de mandater les entreprises ayant travaillé sur ce projet était d’abord patrimoniale, mais sachant que les données sont disponibles via le Service d’information du territoire à Genève – plus connu de son acronyme SITG – nous espérons qu’elles suscitent d’autres idées innovantes», conclut Félicien Mazzola, collaborateur à la direction et secrétariat du département de la culture et de la transition numérique à la Ville de Genève.

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