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Genève et Vaud, enfers fiscaux?

Marie-Hélène Miauton Publié le mercredi 15 novembre 2023

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En septembre 2022, la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève produisait une étude, la neuvième du genre, sur la situation fiscale du canton. Son directeur général, Vincent Subilla, tirait la sonnette d’alarme: «L’heure est véritablement grave. Les importants contribuables sont très mobiles, l’inquiétude chez eux est palpable». Il faut dire que quatre cent nonante assujettis rapportent à eux seuls un cinquième de l’impôt sur le revenu et que leur départ aurait des conséquences désastreuses pour les finances cantonales. À l’autre extrémité de l’échelle, 40% des personnes ne paient aucune redevance, ne participant donc nullement à la part des services publics dont elles bénéficient. Bien que l’analyse soit basée sur des données officielles, la gauche a dénoncé une étude caricaturale, qui prouvait en réalité la trop forte disparité des revenus. On ne fait décidément pas boire un âne qui n’a pas soif!

Pourtant, les citoyens ne s’y sont pas trompés en refusant l’initiative Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes soumise au vote le 18 juin 2023. Ils ont compris que la concurrence fiscale n’est pas un vain mot en Suisse.

Genève pratique le taux d’imposition sur la fortune le plus élevé du pays, avec un taux maximum de 9,9%o contre les 7,9%o vaudois, comparé aux 5,2%o seulement de Fribourg, pour ne pas citer les cantons alémaniques les plus favorables. Quand on peut choisir, sans devoir s’expatrier, entre 26 régimes différents, l’excès de pression fiscale suscite l’envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Ainsi, une analyse du journal Le Temps basée sur des données de l’administration fiscale montre que le canton de Genève a perdu trente-cinq de ses quelque trois cents plus gros contribuables entre 2010 et 2018, chacun s’acquittant annuellement d’au moins un million d’impôt. C’est principalement la Grande- Bretagne qui a profité de la manne, mais également d’autres régions suisses, mais pas Vaud, pourtant tout proche, puisqu’il est tout aussi vorace.

Tiens! Les Vaudois, parlons-en. Ces derniers jours, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie communiquait les résultats de son cinquième Baromètre fiscal vaudois commanditée à KPMG. L’étude conclut à une certaine attractivité du canton concernant les entreprises, mais souligne à quel point il est peu concurrentiel pour les personnes physiques. Contrairement à Genève, qui a la main légère pour les familles modestes ou moyennes tout en se rattrapant sur les plus aisées, Vaud taxe lourdement toutes les classes sociales. Pour un revenu brut de soixante-mille francs, il se situe au quatorzième rang sur vingt-six cantons en 2022, alors que Genève figure au sixième rang seulement. Pour un revenu de cent vingt-cinq mille francs, il est au vingt-sixième rang et Genève, qui soigne sa classe moyenne, au cinquième rang. Enfin, Vaud est également le plus gourmand de Suisse pour les revenus de cinq cent mille francs, Genève le précédant de près au vingt-troisième rang.

Ces différences expliquent notamment pourquoi les particuliers participent pour 58% aux rentrées fiscales de Genève, mais à 78% dans le canton de Vaud. En outre, si Genève connaît le taux le plus élevé sur les grandes fortunes, c’est Vaud qui taxe le plus les fortunes moyennes, situées entre cent cinquante mille francs et un million. Ainsi, révèle l’étude, «une famille vaudoise avec deux enfants disposant d’une fortune nette de cent cinquante mille francs paie un impôt quinze fois supérieur à un ménage genevois et huit fois supérieur à une famille zurichoise». Sans oublier que cela concerne également l’imposition des successions, qui est plus lourde dans le canton de Vaud puisque Genève exonère les enfants et les parents, même si Fribourg et le Valais restent les plus intéressants en Suisse romande.

Tous ces chiffres un peu fastidieux n’avaient pour but que de consoler les contribuables genevois: il y a pire enfer fiscal que le leur, juste à leur porte